François BONVIN (Paris, 1817 - Saint-Germain-en-Laye, 1887)

Nature morte au bouquet de pivoines et roses sur une table nappée

57 x 46,5 cm

Huile sur toile mise à l’ovale
Signée et datée F. Bonvin 1876 au centre à droite

Provenance :
• France, collection particulière

Bibliographie :
• Étienne Moreau-Nélaton, Bonvin raconté par lui-même, Paris : Henri Laurens éditeur, 1927Gabriel P. Weisberg, Franc̦ois Bonvin and the critics of his art, London : Apollo Press Limited, 1974
• Anisabelle Berès et Michel Arveiller, François Bonvin, the master of the "realist school" : 1817-1887, [cat. exp.] Paris, Galerie Berès, 19 novembre 1998-9 janvier 1999, Pittsburg. Frick art & historical center. 1999.

Fils d’un garde-champêtre et d’une couturière, le jeune François-Saint Bonvin n’était pas destiné à une carrière artistique. Orphelin de mère à l’âge de quatre ans, délaissé par un père ancien militaire, François grandit dans le village Vaugirard entre l’actuelle rue Cambronne et rue Lecourbe, élevé par une femme qui le nourrissait à peine.
Pour amuser ses deux jeunes frères, François avait imaginé un décor de théâtre peint par ses soins. Le talent du jeune prodige, alors âgé de 10 ans, fut remarqué et lui permit de rejoindre l’École gratuite de dessin fondée en 1765 par Jean-Jacques Bachelier (1724-1806) qu’il sera pourtant contraint d’abandonner trois ans plus tard lors de la Révolution de 1830. Il ne reprendra son activité artistique que des années après, en 1842. En revenant à l’Ecole, il rencontre le nouveau directeur Horace Lecoq de Boisbaudran (1802-1897), futur maître de Whistler et de Fantin-Latour et termine sa formation.

Peintre de l’intimité d’un caractère introverti, Bonvin choisit naturellement de se tourner vers deux genres qui répondent à ce sentiment : issu du peuple, il choisit de dépeindre des scènes de la vie quotidienne française ainsi que de subtiles natures mortes dans la seconde moitié de sa carrière. Son œuvre fait alors preuve d’une nette influence des artistes nordiques du Siècle d’or tels que Pieter de Hooch, Vermeer et Rembrandt : un enthousiasme qu’il défend jusqu’à la fin de sa carrière.
L’attrait particulier pour la nature morte fut largement influencé par Jean Siméon Chardin (1699-1779), d’un siècle son aîné, à qui il voue une admiration particulière. Il multiplie les hommages au maître des natures mortes en tirant de nombreux éléments de son répertoire tels que le mortier, la bassine de cuivre (ill. 1) ou encore la raie qui domine l’une de ses somptueuses toile de 1854 (ill. 2).

Bonvin cherche à retranscrire avec fidélité la réalité de la vie telle qu’elle se présente à ses yeux, sans artifice ni complexité de composition. Se dégage alors une forme de poésie que l’artiste décèle dans les tâches les plus ordinaires. Il se plaît à peindre le spectacle des intérieurs de maison, couloirs, enfilades, objets et figures qui les animent. Ses natures mortes invitent au voyage et à l’introspection. Il y dépeint les objets familiers, comme ici sur cette table nappée rouge d’une élégante simplicité. Dans cette délicate vision identifiable à une allégorie de l’éphémérité de la vie, un bouquet de fleurs fraîchement coupées trône en majesté. Placé au centre de cette toile ovale, le vase de verre est traversé par une douce lumière émanant de la gauche, illustrant la dextérité de l’artiste à rendre l’illusion du réel. Quelques pétales tombés, une branche coupée, ces roses et pivoines ne vivront que quelques heures de plus. À travers cette toile, Bonvin capture ainsi la fragile beauté de la vie, probable écho à sa propre existence. D’une santé précaire, la fin de la vie de l’artiste fut douloureuse : la maladie de la pierre qu’il contracte dans les années 1870 l’affaiblit considérablement. Dans un silence harmonieux, presque sacré, se détachent tantôt des huitres, tantôt des fleurs. C’est ainsi que Bonvin confère une gravité spirituelle à ses œuvres.

Cette composition connut un certain succès puisque cette même année 1876, Bonvin produit une version de cette œuvre sur panneau. Arborant les mêmes dimensions que notre œuvre, elle est signée au même emplacement, au milieu à droite « F. Bonvin 1876 ». Dans les deux cas, le format ovale rappelle que l’artiste en faisait usage principalement pour les natures mortes, probablement à la demande de ses clients. Le format exprime aussi la filiation avec l’œuvre de son confrère cadet Henri Fantin-Latour qu’il admirait tant. Il avait par ailleurs exposé certaines des peintures de son ami dans son atelier de la rue Saint-Jacques lors de leur refus commun au Salon de 1859. L’amitié entre les deux artistes durera jusqu’à la fin de leur carrière.

Surnommé de son vivant le « nouveau Chardin », François Bonvin vit de son art jusqu’à sa mort en 1887. Loué par les critiques pour son travail sur le réalisme, l’élégance des formes et la justesse de ses coloris, ses œuvres furent volontiers placées dans la continuité du maître du XVIIIe siècle. La souveraine simplicité de son œuvre fit de lui un artiste authentique et proche du peuple dans lequel il se reconnaît. Sans jamais chercher la célébrité qu’il côtoie pourtant à quelques Salons, François Bonvin n’hésite pas à dépeindre les plus démunis, les hissant au rang de peinture d’histoire, sujet d’intérêt de nombreux de ses contemporains et amis tels que Courbet qu’il rencontre à son arrivée à Paris en 1839. Son enthousiasme et sa passion pour son art le rapproche de ses contemporains dont Daumier, Corot et Fromentin dont il se lie d’amitié, mais aussi de Nadar, l’un de ses premiers acheteurs.

M.O

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