27,3 x 39 cm
Circa 1740
.
Sanguine, filet d’encre noire rapporté en partie conservé en haut.
Annoté à la sanguine en bas à gauche F. Boucher del
.
Filigrane raisin
.
Provenance
France, collection particulière
L’Identification de notre dessin
Cette académie d’homme de belle qualité a été conservée en portefeuille sans montage pendant plusieurs siècles. Un examen attentif montre aussi qu’elle a été contre-éprouvée et que la sanguine s’est un peu déchargée à cette occasion. Sa lecture est donc par endroits imprécise et son attribution par conséquent difficile. Mais devant cette feuille le nom de François Boucher se présente avec insistance.
L’annotation portée en bas à gauche du dessin ne constitue pas une signature mais l’indication ancienne d’un lien connu avec Boucher. Pourtant cette étude ne peut être la copie d’un dessin original perdu de l’artiste, ni non plus la copie d’une gravure non localisée, car elle présente les qualités techniques et la liberté d’un dessin de maître. Or le rendu expressif et presque trop poussé du dos du modèle et la qualité du traitement des bras et des jambes par pans dans la lumière évoquent le travail très particulier de Boucher après 1740 lorsqu’il dessine des académies. On retrouve ici à la fois sa connaissance précise du corps humain exprimée de l’intérieur par un jeu efficace des masses musculaires que beaucoup de ses contemporains préfèrent esquiver, et son utilisation caractéristique de grands traits longilignes affirmant l’ossature sous-jacente du modèle. Le traitement de la chevelure montre une recherche de naturel qui apparente le dessin aux études préparatoires pour la Chasse du tigre et la Chasse du Crocodile, réalisées entre 1736 et 1739. Toutefois, la sinuosité très appuyée des contours correspondant à la période rocaille, l’influence nette de Jean Jouvenet et la synthèse technique en train de se réaliser permettent de placer notre feuille juste après 1740.
Un changement de technique autour de 1740
Entré à l’Académie royale à la fin de 1734, devenu adjoint à professeur dès 1735 puis professeur en 1737, François Boucher rompt en effet autour de 1740 avec l’enseignement traditionnel, qui modèle le corps depuis l’extérieur par petits traits ronds. Il adopte dans les dessins qu’il livre à ses élèves de l’Académie royale une écriture à grands traits associés à la lumière qui joue sur le corps par pans, de manière presque sculpturale. Cette technique forge un style propre, très expressif qui donne à ses académies de la maturité une puissance unique.
L’Importance de Jouvenet pour Boucher
L’évolution en cours, visible dans ce dessin, est due à un patient travail de réflexion et de synthèse d’après les modèles de Lebrun, de Rubens, des Carracci et surtout de Jean Jouvenet, tous visibles dans les collections privées qu’il fréquente, et en particulier dans celle de Pierre Crozat, dispersée en 1741. Nous avons souligné pour la première fois en 2003, et souvent évoqué depuis, l’importance des dessins de Jean Jouvenet pour François Boucher. Il possédait plusieurs feuilles du maître et s’est beaucoup inspiré de ses académies, n’hésitant pas même à insérer après 1750 dans son Livre d’Académies gravé par Larue des dessins de Jouvenet – ou les copies qu’il en avait faites – au milieu des siens (planche 7 par exemple). Dans ce cas, les contours et le trait de Boucher sont plus appuyés encore que ceux de Jouvenet. Il s’inspire ici d’un dessin perdu de l’artiste, dont une réplique anonyme du XVIIIe siècle est conservée à l’École des Beaux-arts de Paris (inv. EBA 1128).
Françoise Joulie