Aquarelle et gouache sur vélin marouflé sur carton.Signé et daté 1846 en bas à droite avec un envoi "Souvenir de reconnaissance et d’affection"
Marie-Prudence Truchy appartient à l’une des nombreuses générations de femmes qui s’adonnèrent à la peinture de fleurs ; ce fut longtemps l’un des rares métiers qualifié accessible aux femmes, quel que soit leur milieu social. Elève d’Olympe Arson, qui avait appris le métier auprès de Pierre-Joseph Redouté, Marie-Prudence Truchy s’inscrit ainsi dans une longue tradition française. Elle fut présente au Salon de 1843 à 1849. On croisait également ses œuvres à Boulogne-sur-Mer, en 1847, ou à Dijon en 1858 : les aquarelles de fleurs, plus difficilement acceptées au Salon, trouvaient volontiers place dans les expositions de sociétés d’Amis des arts, à Paris comme en province.
Les premières peintures de fleurs sur vélin furent réalisées en France au début du XVIIe siècle. Dans les années 1630, Nicolas Robert exécuta pour Gaston de France, duc d’Orléans, une série de plantes cultivées dans le jardin du château de Blois. Le peintre s’attacha ensuite à Louis XIV ; nommé en 1666 « peintre ordinaire de sa majesté pour la miniature », il fut chargé de lui remettre chaque année au moins vingt-quatre vélins, prenant pour modèles les plantes des Jardins du Roy et les animaux de sa Ménagerie. Fruit d’un goût persistant pour la botanique et la zoologie, une tradition commençait.
A la Révolution, la transformation du Jardin du Roi en Muséum d’Histoire Naturelle s’accompagna de l’établissement d’une « Chaire d’Iconographie naturelle, ou de l’art de dessiner ou peindre toutes les productions de la nature ». Le dernier miniaturiste du roi, Gérard Van Spaendonck, en devint titulaire. Il fut également décidé, au cours de l’année 1793, de continuer la collection de vélins. Un concours retint dans le domaine de la botanique les frères Redouté.
Quand la peinture de fleurs demeurait à Lyon l’apanage des hommes, à l’image de Berjon, Pierre-Joseph Redouté transmit à Paris la tradition d’un genre féminin. Il devint maître de dessin au Muséum en 1822. Les émules de ce ‘Redouté des femmes’ furent nombreuses, à commencer par Joséphine, pour qui il décora la Malmaison, Marie-Louise, ou encore Louise d’Orléans. Celui que l’on surnommait le ‘Raphaël des fleurs’ consacra une technique initiée par Van Spaendonck ; la gouache dense laissait définitivement place à une aquarelle transparente, aux nuances raffinées. Le plus fameux témoin de son talent est le recueil de Roses qu’il publia en 1817.
L’œuvre de Marie-Prudence Truchy s’inscrit dans cette lignée. La jeune femme emploie le vélin, que les artistes étudiant au Muséum apprenaient à préparer eux-mêmes. Elle représente une branche de roses sur un entablement de marbre. La composition, traditionnelle, rappelle Jan Frans Van Daël, et particulièrement ses Roses et papillons (Lille, Musée des Beaux-arts) ; Truchy en avait présenté une copie au Salon de 1846. Les fleurs écloses ou encore en bourgeon sont précisément décrites, dans une matière légère contrastant avec la froideur de la pierre. L’artiste emprunte à la peinture flamande le goût du détail et de l’artifice : ici un papillon, là un scarabée ou une fourmi.
Quelques gouttes de rosées parachèvent l’œuvre, et rappellent les lignes qu’écrivit Colette à propos de Redouté : « La fleur achevée, il y posait la goutte, le cabochon de rosée dont il usait d’une mouche assassine. C’est de lui que les princesses apprenaient à peindre et l’anémone à pleurer. L’anémone, et les cent roses et l’oreille d’ours, tout ce qui dans la nature porte pruine de velours, sous le pinceau de Redouté fond en larme ».
Provenance : France, collection particulière
Bibliographie
E. HARDOUIN-FUGIER, E. GRAFE, Les peintres de fleurs en France de Redouté à Redon, Paris : l’Amateur, 1992
A. RAYNAL-ROQUES, J.-C. JOLINON, Les Peintres de fleurs : les vélins du Muséum, Paris : Bibliothèque de l’Image, 1998