24,5 x 18,5 cm
Sanguine sur papier vergé sur traits de pierre noire
Au revers, marque estampée d’un écusson présentant un lion, surmonté d’une couronne
Provenance :
• France, collection particulière
Bibliographie :
• Antonio Bolognini Amorini, Vita del celebre pittore Francesco Albani, Bologne, 1837
• Françoise Viatte, Le dessin italien sous la Contre-Réforme, Paris : Réunion des musées nationaux, 1973
• L’Albane, L’Albane 1578-1660 [cat. exp.] Paris, Musée du Louvre, 2000-2001, Les dossiers du musée du Louvre, 2000
L’Albane, « peintre le plus aimable, et l’un des plus savants qui eussent existé. »
À Bologne, en cette dernière décennie du XVIe siècle, les Carracci, Ludovico et ses deux cousins Agostino et Annibale ouvrent la voie vers une nouvelle manière d’appréhender la nature. À l’origine de plusieurs réformes successives, les 3 artistes prônent une synthèse entre le classicisme de la Haute Renaissance et le modèle de la sculpture antique, mettant ainsi fin au Maniérisme. Leur art promeut un traitement sans artifice, la nature doit désormais être dévoilée dans toute sa vérité. Afin de diffuser cette nouvelle manière de créer, les Carracci ouvrent en 1582 un atelier destiné à ceux qui ouvrent la voie à la progression de l’art, la fameuse Academia « dei Desiderosi » devenue « degli Incamminati ».
Parmi ces élèves, le jeune Francesco Albani âgé de 17 ans rejoint l’Académie dans ses premières années de création, sans doute en 1595. Grâce à une formation précoce auprès de Denys Calvaert (1540-1619) puis de Guido Reni (1575-1642), côtoyant à la même période le Dominiquin (1581-1641), l’artiste fait preuve d’une connaissance artistique complète. En rejoignant les Carracci, Albani se prête à l’exercice de la fresque et de la grande peinture d’église exigeant un grand nombre d’études préparatoires, lui permettant ainsi de déceler l’importance du dessin dans la construction de ses compositions. Afin de donner un nouvel essor à l’art bolonais, l’Académie met en évidence le caractère majeur et indispensable du dessin dans toute forme de création artistique. L’importance est accordée à l’étude d’après nature afin de retranscrire expressions faciales et postures corporelles de façon spontanée. Cette esthétique tire les leçons des maîtres anciens, prenant comme modèle Rome à travers les œuvres de Michel-Ange et de Raphaël, Venise avec Véronèse et Parme chez le Corrège. Dans cette nouvelle méthode, le modèle antique incarne la référence et le beau suprême.
L’Academia degli Incamminati exige de ses élèves une synthèse entre le dessin et la couleur, un équilibre entre le réel observé et un idéal recherché. Les artistes doivent pour cela s’exercer sur tout type de profils : artisans et paysans occupent progressivement une place de choix dans l’œuvre des plus grands noms du XVIIe siècle bolonais.
Probablement préparatoire à une œuvre peinte, l’œuvre présentée ici est un profil de jeune garçon. Le regard tourné vers le ciel, il semble interpellé par un élément provenant de la gauche. L’importance du trait est révélée par un traitement rigoureux de l’utilisation de la sanguine. L’artiste retranscrit le volume par une technique de hachures estompée au niveau du cou et du menton, remontant jusqu’autour du nez et sous les yeux. Les cheveux sont faits de longs traits sinueux partant du haut de la tête et descendant jusque dans la nuque. La sanguine fut largement utilisée par les Carracci. Ses propriétés crayeuses traitées avec minutie permettent de révéler les subtilités de la chair et sa tendre tension. D’autres études de la main de l’artiste illustrent l’utilisation de ce médium dont l’Étude d’une tête de femme (ill. 1) ainsi que la multiplication d’études de profils dont l’Étude d’une tête d’homme (ill. 2).
« Annibal Carrache a plus d’accent que lui, Guerchin plus de mystère, Dominiquin plus de force et de vérité, le Guide plus de sentimentalité, mais l’Albane est le seul de son temps à mettre dans ses toiles un peu de cette volupté heureuse qui unit et confond la beauté naturelle et la beauté allégorique. »
Introduit en France en 1625 à l’occasion de la légation du cardinal Francesco Barbierini à la cour de Marie de Médicis afin de flatter le goût notoire de la reine pour l’art italien, le peintre connut un véritable succès auprès de la cour de France. Acteur d’une période charnière de l’histoire du dessin qui n’aura pourtant duré qu’une trentaine d’années (1590-1620), Albani fut considéré de son vivant parmi les plus grands créateurs d’un art moderne. Devenu « L’Albane » français, l’artiste fut collectionné par les plus hautes têtes d’Europe. Louis XIV lui voua une grande admiration, sa collection comptait un ensemble considérable d’œuvres de sa main. Son influence rayonnera particulièrement à Versailles où ses compositions classicisantes seront largement utilisées par les peintres chargés de décorer le Trianon de marbre.
Nous remercions le professeur Nicholas Turner de nous avoir suggéré l’attribution à Francesco Albani.
M.O