Giovanni Francesco Barbieri, dit le GUERCHIN (Cento 1591 – Bologne 1666)

"Figure d’Herminie casquée"

Plume et encre brune

Si le Guerchin ne fut pas un autodidacte, comme se plut à le suggérer la légende, celle-ci exprime bien la précocité du talent de l’artiste, la force de travail et l’ardeur qui conduisirent sa carrière. Giovanni Francesco Barbieri débuta dans sa ville natale de Cento, et bénéficia de l’influence bolonaise, en particulier de celle des frères Carrache. Il avait pu copier très jeune la Madone à l’Enfant peinte par Ludovico au Couvent des Capucins de Cento. L’artiste emprunta aux Carrache ce qui constituait le socle de leur enseignement, et de l’Académie qu’ils avaient fondé en 1585 : l’art du Guerchin récuse tout maniérisme, et puise ses motifs dans une nature assidûment étudiée.
La carrière du Guerchin se poursuivit à Ferrare, à Venise où il découvrit les maîtres du Cinquecento, puis à Bologne, où il fut appelé par le cardinal Alessandro Ludovisi. En 1621, il se trouvait à Rome à la demande de ce-dernier, désormais pape sous le nom de Grégoire XV ; il y demeura deux années, jusqu’à la mort du pontife. De retour à Cento, il poursuivit une carrière active, dont les frontières ne se limitèrent pas à la région bolonaise : on comptait parmi ses commanditaires la famille Colonna, le Pape Urbain VIII Barberini, mais aussi Marie de Médicis, Mazarin ou encore Charles Ier d’Angleterre.

Francesco Barbieri fut un dessinateur aussi talentueux que prolifique, chacune de ses idées étant aussitôt suivie d’une étude. L’artiste ne se contenta pas d’utiliser le dessin à des fins préparatoires, mais réalisa également des feuilles de caractère, indépendantes de toute peinture ; il se posait en novateur dans cette pratique. Le médium favori du Guerchin fut la plume et l’encre brune ferrogallique, qu’il employait généralement sur un papier vergé, sans nécessairement la rehausser de lavis. On lui connaît également de belles sanguines.
Notre Figure casquée illustre l’art du Guerchin après son installation à Bologne, en 1642. Sa première manière, aux traits de plume virevoltants, aux extrémités tournoyantes, se fait désormais plus économe. Son écriture est concise mais souple. Les traits de plumes parallèles, à l’épaisseur subtilement modulée, dessinent le modelé et soulignent les ombres qu’accuse un léger lavis brun-gris. L’artiste joue avec la réserve du papier non préparé, suggérant la lumière. Il a dessiné un visage de strict profil, sans indiquer d’espace ni de fond, rappelant les camées et les monnaies antiques. La jeune femme porte un casque orné attaché autour du cou, sur des cheveux mi-longs retombant en mèches bouclées. Elle est vêtue d’une armure évoquée en quelques traits de plume.
On peut reconnaître dans ce visage la figure d’Herminie, issue du fameux poème épique du Tasse La Jérusalem délivrée (1580). Herminie, princesse d’Antioche, s’y éprend du chevalier Tancrède, et part à sa recherche, revêtue de l’armure de sa rivale Clorinde. Elle trouve un temps refuge chez des bergers. Le Guerchin illustra à deux reprises l’épisode d’Herminie et les bergers. Il en exécuta une première version à la demande du duc de Mantoue, en 1619 – 1620 (Birmingham, City Museum and Art Gallery). On en connaît une étude préparatoire à la sanguine (Royal Library, Windsor Castle). Herminie y est figurée en pied, de trois-quarts, la tête coiffée d’un casque à plumes.
L’artiste peignit une seconde fois la scène en 1648 – 1649 pour Don Antonio Ruffo (Minneapolis Institute of Art). Notre dessin pourrait être une première pensée pour ce tableau, dont la National Gallery of Art de Washington conserve également une étude préparatoire, à la sanguine. Son visage juvénile de profil, la perfection formelle de ses traits, y sont très proches de notre œuvre. On retrouve dans les deux dessins l’ornementation du haut de la cuirasse, et la liberté des cheveux tombant sur les épaules, signant la féminité du modèle. Le Guerchin semble avoir hésité sur la manière dont il coifferait la jeune femme : elle est casquée dans notre œuvre, tête nue dans la feuille de Washington – dans le tableau, il peindra une Herminie en train d’enlever son casque.
On trouve dans l’œuvre dessiné du Guerchin d’autres petits portraits à la plume de figures casquées. On pense par exemple à Alexandre le Grand portant un casque à plume (plume, Angleterre, Royal Collection Trust, c. 1631), ou au Guerrier barbu portant un casque (plume et lavis brun-gris, idem, c. 1634). Les deux feuilles, qui représentent des visages ciselés sur des bustes plus légèrement ébauchés, marquent la transition entre le premier style du Guerchin, vigoureux et généreux, et la délicatesse raffinée de notre œuvre de maturité.

Provenance :
France, collection particulière

Bibliographie :
J. BROOKS, N. E. SILVER, Guercino : Mind to Paper, catalogue d’exposition, Los Angeles : J.P. Getty Museum, 2006
D. M. STONE, Guercino : Master draftsman, catalogue d’exposition, Cambridge, Bologna : Harvard University Art Museums, Nuova Alfa Editoriale, 1991

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