Antoine RIVALZ (Toulouse 1667 - 1735)

"Horatius Coclès défendant les Romains au Pont Sublicius"

Plume et lavis. Porte une ancienne inscription à la plume en bas à droite : N° 221

En l’an 509 avant Jésus-Christ, la proclamation de la République romaine déclencha une guerre ardente entre Rome et le puissant roi étrusque Porsenna. Trois des plus fameux héros des premiers temps romains s’illustrèrent au cours de cet affrontement : Mucius Scaevola, Clélie et Horatius Coclès. Ce-dernier, dont le surnom signifie borgne, descend des célèbres Horaces. Alors que les Etrusques s’apprêtaient à pénétrer dans Rome, il arrêta leur course au Pont Sublicius. L’artiste a retenu ici la version de Polybe et de Valère-Maxence, qui stipule qu’Horatius Coclès accomplit seul cet exploit. Sur son ordre, le pont fut ensuite détruit, et le héros précipité à l’eau. Les sources divergent sur son sort. Selon certaines, il y trouva la mort, pour d’autres, il en réchappa et gagna les honneurs de la Cité.
L’artiste a représenté ici l’épisode du Pont Sublicius avec verve et brio. La scène, toute en mouvement, combine un nombre important de personnages enchevêtrés. Le premier plan, dans la diagonale inférieure gauche, retrace l’exploit avec une intensité dramatique soutenue par le contraste du lavis. Au centre de la page s’élance Horatius Coclès, le corps en torsion, tendu par l’effort. Une main en arrière tenant son épée, il repousse de son bouclier un homme monté sur un cheval cabré qui brandit un poignard. Un cavalier et des fantassins le suivent, dans un élan qui déborde du cadre. A leurs pieds s’entremêlent chevaux blessés et cadavres humains. Au premier plan à droite, le long de la rive du fleuve, un homme âgé extérieur au combat regarde la scène, accompagné d’un animal féroce. Une Victoire ailée portant une enseigne militaire tient une couronne au-dessus de la tête d’Horatius Coclès, manifestant son héroïsme.
Au second plan, concentré en partie droite dans un lavis en demi-tons, l’artiste a ébauché les romains affairés à détruire le pont, armés d’une hache ou d’une faux ; certains, en barque, travaillent depuis le fleuve à en ébranler les fondations. A l’arrière-plan, l’architecture classique de la ville de Rome est simplement suggérée par des traits de plume.
La facture révèle le goût de l’artiste pour l’anatomie : les corps sont noueux, les muscles saillants dessinés en plusieurs tons accompagnent des postures complexes. Le dessinateur a prêté attention aux moindres détails : ceux des ornements des poignées d’épées ou des casques, tous différents, du mouvement de la queue d’un cheval, ou encore du drapé mouillé soulignant la morphologie de la Victoire.

Le traitement de ce sujet antique, dans la composition comme dans la facture, rappelle la manière de l’artiste toulousain Antoine Rivalz, auquel notre feuille peut être attribuée. Fils aîné de l’architecte et peintre Jean-Pierre Rivalz, Antoine trouva auprès de lui une formation complète, nourrie des travaux de Raphaël, Michel-Ange ou encore des Carrache. Après un voyage à Paris en 1685 – 1686, puis un séjour à Marseille, il demeura à Rome de 1688 à 1701. Il y bénéficia de l’amitié de Carlo Maratti, et y affirma un style qui prit désormais l’accent du classicisme ambiant. De retour à Toulouse, il y effectua une brillante carrière. Devenu peintre des Capitouls, il honora de nombreuses commandes pour la ville, mais aussi pour les congrégations religieuses et d’illustres particuliers. Rivalz se distingua également par son goût pour l’enseignement : il fut à l’origine de la création de l’Académie royale de peinture, sculpture et architecture de Toulouse, la seule à porter ce nom avec l’Académie parisienne.
Antoine Rivalz traita à maintes reprises des sujets inspirés de l’histoire antique. Les grands dessins que nous connaissons de lui sont en général rattachés à des œuvres peintes identifiées ; notre feuille pourrait donc être préparatoire pour un tableau disparu. On peut en rapprocher certains éléments d’autres travaux connus. On observe dans Le Sac de Troie (huile sur toile, Toulouse, Musée des Augustins), envoyé par Rivalz à Toulouse peu avant son retour de Rome, un personnage casqué brandissant un poignard, dont la posture et l’anatomie sont semblables à celles de notre cavalier s’opposant à Horatius. La composition est également agencée en deux plans, divisant par une diagonale et un jeu de contrastes modulés l’action principale et les scènes secondaires, devant une architecture romaine classique. On retrouve un agencement complexe de corps enchevêtrés, avec un même souci anatomique, dans la Bataille remportée par les Tectosages sur le Roi Antiochus (huile sur toile, Toulouse, Musée des Augustins), peint par Rivalz en 1702.
On peut enfin confronter notre dessin à l’Expulsion des Huguenots de Toulouse (plume et encre noire rehaussée de gouache grise, collection Jeffrey E. Horvitz). La scène figure un affrontement sur un pont ; on y retrouve la manière de traiter les différents plans par un lavis plus ou moins contrasté, et une architecture à l’arrière-plan esquissée par de simples traits de plumes.

Provenance :
Allemagne, collection particulière
Bibliographie :
J. PENENT, Antoine Rivalz, 1667 – 1735 : le Romain de Toulouse, catalogue d’exposition, Toulouse, Musée Paul Dupuy, Paris : Somogy, 2004

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