45,5 x 40,5 cm
Circa 1965.
Encre et gouache sur papier.
Signé en bas à droite.
Né rue Lepic, au coeur du Montmartre, d’un père plombier et musicien de cabaret et d’une mère brodeuse, Eugène Paul dit Gen Paul est l’un des plus grands représentants de l’expressionnisme français. À quinze ans, apprenti tapissier, il perd son père et doit commencer à travailler pour gagner sa vie. L’effervescence créatrice de Montmartre l’incite cependant à s’essayer à la peinture en utilisant notamment comme supports des boîtes de cigare. Engagé volontaire dès 1914, Gen Paul ressort de la Première Guerre mondiale traumatisé psychologiquement et physiquement : il est amputé de sa jambe droite en 1915.
Réformé puis démobilisé, il revient à Paris et survit grâce aux petits boulots. Mais surtout, il peint : des fleurs, des visages et des vues de Montmartre. L’art devient pour lui un véritable refuge, un moyen de combattre ses douleurs et d’échapper à la routine de la vie. En 1917, il vend ses premières oeuvres, signées Gen Paul, à un brocanteur, et se rapproche des artistes du Bateau-Lavoir dont Juan Gris qui lui offre pinceaux et vieux tubes de couleur. Trois ans plus tard, le peintre entre au Salon d’Automne, et bénéficie d’une exposition personnelle à la galerie Bing dès 1926 avant de partager, en 1928, l’affiche avec Picasso, Rouault, Braques et Soutine.
Jusqu’en septembre 1930, Gen Paul travaille sans arrêt et voyage, découvrant la Provence et le Pays Basque espagnol. Mais il s’épuise également et s’adonne à l’alcool, ce qui le conduira à une grave crise lors d’un séjour à Madrid. Depuis, il peint assez peu à l’huile, privilégiant la gouache et le dessin, sa palette s’éclaircit et le trait devient plus apparent. La reconnaissance officielle vient en 1934 : il reçoit la Légion d’honneur et, trois ans plus tard, une commande de l’État d’une grande fresque pour la Pavillon des vins de France à l’Exposition internationale de Paris.
Le mouvement est le thème de prédilection de l’artiste qui se passionne pour les courses de chevaux, les corridas, les courses cyclistes, les musiciens, le cirque et l’animation permanente des rues de son Montmartre natal. Coincé entre la terrasse d’un café et les maisons multicolores, le petit boulodrome près de l’appartement de Gen Paul revient ainsi à de multiples reprises dans son oeuvre, suivant l’évolution de sa manière qui s’affirme dans un expressionnisme du mouvement. Dans un fouillis pittoresque formé par les tables, les lampadaires, les vélos, les fenêtres et les arbres, les joueurs de pétanque se concentrent sur leur geste dans des attitudes dansantes et désarticulées, éminemment graphiques.
Notre oeuvre est caractéristique des dernières années de vie de Gen Paul, période qu’on qualifie de calligraphique, marquée par la prédominance d’un large trait noir qui décompose et fracture les formes. Ici, suggérés plutôt que cernés, les éléments de la composition, toujours en déséquilibre, sont parcourus de rapides coups de brosse chargée de bruns, de gris clairs, et surtout de couleurs acidulées, tantôt complémentaires, tantôt voisines. Semblant en apesanteur, les corps tout en muscles des joueurs de boules se soumettent à cette dynamique générale qui se joue de la perspective et des certitudes.
A.Z.
Nous remercions le comité Gen Paul d’avoir confirmé l’authenticité de notre dessin.
Bibliographie générale (oeuvre inédite)
André ROUSSARD, Gen Paul - La biographie, Paris, éditions André Roussard, 2006.
Jean-Pierre CRESPELLE, Montmartre vivant, Paris, Hachette, 1964 (chapitre 8, « Gen Paul, de la rue Lepic », p. 224-247).
Gen Paul. Retrospective of an expressionist from Montmartre, Artrust, 2013.