John FLAXMAN, attribué à (York, 1755 – Londres, 1826)

L’enseignement de Socrate

Plume lavis d’encre brune et rehauts de gouache sur traits de pierre noire
37 x 63,5 cm

Provenance :
• France, collection particulière

Bibliographie :
• David Irwin, John Flaxman 1755-1826 : sculptor, illustrator, designer, London : Studio Vista : Christie’s, 1979
• Robert R. Wark, Drawings by John Flaxman in the Huntington collection, San Marino, Calif. : Henry E. Huntington Library and Art Gallery, 1970

La santé fragile de John Flaxman, né à York en 1755, le contraint très jeune au confinement. C’est ainsi que débute sa formation artistique dans l’atelier paternel, le modeleur John Flaxman dit John Ier. À ses côtés, il dessine et modèle des figures de cire ou de terre glaise. Parallèlement, le jeune homme fait preuve d’un goût précoce pour l’Antiquité à travers une étude assidue du grec et du latin. À l’âge de 12 ans il est remarqué à la Free Society of Artists grâce à une copie dessinée d’après l’antique et l’année suivante par un buste. C’est donc naturellement qu’il rejoint la Royal Academy en 1769 où son don dans la sculpture le place comme le plus jeune sculpteur de sa génération. La même année il reçoit sa première médaille. Il restera 18 ans à l’Academy, période durant laquelle il réalise de nombreux dessins, dont les sujets essentiellement tirés de la mythologie sont destinés aux décors des céramiques de la fameuse maison MM. Wedgwood.
Pris dans la vague du néoclassicisme qui envahit l’Europe au cours du XVIIIe siècle révélant Herculanum en 1738, puis Pompéi dix ans plus tard, Flaxman suit l’extraordinaire engouement pour l’Antiquité comme modèle de référence. Sculpteur mais aussi brillant dessinateur, l’artiste comprend vite que substituer le style anglais pour l’antique lui apporterait un grand succès. Depuis l’Angleterre, il participe ainsi à la renaissance du prestige de l’Italie et notamment de Rome considérée comme la source de la civilisation européenne occidentale. Le voyage en Italie apparaît comme un complément indispensable à sa formation : à l’automne 1787 les journaux annoncent le départ du jeune prodige. À son arrivée, Flaxman a 32 ans, il est désormais considéré comme l’un des meilleurs artistes que la Grande-Bretagne ait produits.

De sa formation académique, Flaxman traite les sujets classiques ainsi que les sujets d’histoire, sélectionnant principalement ceux tirés de l’Antiquité grecque peu traduits en peinture, une évocation probante de sa culture rigoureuse. En Italie, il copie inlassablement les bas-reliefs, statues et monuments antiques qui alimentent son répertoire de formes et nourrissent son inspiration pour ses sculptures.

La prépondérance du dessin dans sa carrière place Flaxman tant comme dessinateur que comme sculpteur.
Cette pratique répond parfaitement au phénomène néoclassique : la rigueur et la précision de ses traits lui permettent d’en exprimer les grands principes. Puissamment figuratifs, ses dessins font abstraction de la couleur et du creusement de l’espace. L’intérêt réside dans l’éducation de l’œil du spectateur à l’exemplum virtutis qui mêle héroïsme et vertus, maîtres-mots des civilisations antiques. Pour cela, il puise aussi dans l’héritage de Poussin comme référence à forte portée morale.
Dans la dernière décennie du siècle, Flaxman gagne ainsi en notoriété en produisant des séries de gravures illustrant les récits des plus fameux auteurs de l’Antiquité grecque tels que Hésiode, Eschyle et Homère qu’il lisait déjà dans l’atelier paternel. Ses dessins sont traduits en gravure par Tommaso Piroli (1752-1824) puis réunis en recueil permettant ainsi l’expansion de son nom en Europe.

Flaxman chérit les scènes de sacrifices, batailles, le thème du lit funéraire glorifiant la mort de héros, les enlèvements mais aussi scènes d’enseignement comme en témoigne l’œuvre présentée ici. Il favorise la composition en frise privilégiant le statisme et la gravité des acteurs figés comme des statues qui rappellent sa double formation (ill. 1 & 2).
Au centre de la composition apparaît Socrate, transmettant sa connaissance à une assemblée d’érudits. Plus qu’un philosophe, la figure de Socrate incarne la vertu de l’enseignement et de la grandeur de la Grèce antique. Les grands principes antiques sont évoqués à travers sa seule silhouette, quant à la transmission du savoir, elle est symbolisée par son bras droit au doigt levé vers le ciel. Ce détail symbolise la philosophie grecque, largement représentée par ses contemporains (ill. 3) mais dont la plus célèbre représentation demeure, sans conteste, L’École d’Athènes de Raphaël (Chambre de la Signature des musées du Vatican).
Flaxman lit parfaitement le grec. Cette langue, symbole écrit d’une époque révolue qu’il affectionne tant, trouve sa place dans quelques dessins comme ici sur la colonne à droite qui soutient un buste d’un philosophe – probablement Sophocle – portant les lettres sigma, iota et omega (Σ I Ω).

La dextérité avec laquelle il trace les contours de ses figures est un élément caractéristique de sa production qui rapproche notre dessin de son œuvre. La plume permet un trait minutieux et épuré qui valorise les détails tels que les chevelures et barbes michelangelesques, les musculatures jusqu’aux phalanges ou encore les orteils des figures. L’ensemble est complété par une savante utilisation du lavis brun qui rend les ombres, apporte le volume et souligne les raccourcis. L’artiste sera reconnu pour la clarté de ses dessins et l’ingénieuse simplicité de compréhension de ses œuvres qui exaltent les valeurs morales antiques.
Les dimensions importantes, l’épaisseur de la feuille ainsi que la complexité de la technique laissent penser qu’il ne s’agit pas d’un travail préparatoire à un bas-relief, mais bien une œuvre finie qui devait probablement rejoindre un album.

Lorsque la mort l’interrompt, John Flaxman est un artiste reconnu, au sommet d’une carrière prolifique. Ses dons de sculpteurs seront mis à profit pour la commémoration de bâtiments publics tels que les nouvelles Chambres du Parlement, l’écu commémoratif de l’Exposition de 1851 et l’Albert Memorial, d’autres sculptures et bas-reliefs arborent le théâtre de Covent Garden et les monuments de Chichester et de Westminster.

M.O

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