48,2 x 37 cm
Circa 1920.
Sanguine sur papier.
Signé Helleu en bas à droite au crayon
« Il était le plus habile, le mieux doué, Manet, Monet, Renoir, le croyaient comme nous », écrivit au sujet de Paul César Helleu son cher ami Jacques-Emile Blanche. Helleu fit ses armes dans l’atelier de Gérôme, ou son talent et la sûreté de son goût artistique fascinèrent ses compagnons. A partir de 1880, il peignit des portraits pour le céramiste Deck, chez qui il se lia d’amitié avec Boldini. C’est avec un portrait qu’il fit son entrée au Salon en 1882, et c’est ce genre qui le mena à la célébrité : ce dandy élégant, silhouette effilée toujours vêtue de noir, fut repéré par Robert de Montesquiou, intellectuel raffiné et arbitre du bon goût de la Belle Epoque. L’homme du monde comptait dans son entourage Whistler et Boldini, Debussy et Fauré, Verlaine, Rimbaud, Proust, Goncourt ou encore Mallarmé. Rapidement, Helleu devint l’un des portraitistes favoris du Tout-Paris.
Attiré dès la première heure par l’impressionnisme, Paul Helleu avait abordé tous les genres, de la marine au paysage, et conçut quelque amertume à en être réduit à l’image de « portraitiste mondain » qui ne saurait le résumer ; dès la fin des années 1890, fort de son succès dans le domaine et doutant de sa peinture, il ne présentait plus au Salon que des dessins et des pointes sèches.
« Femmes-fleurs, femmes-enfants, ce sont les vrais modèles d’Helleu, rare maître des élégances », écrivait Montesquiou, rappelant combien la femme fut le cœur du travail d’un artiste qui ne souhaitait avoir pour modèle que des femmes jeunes, et belles. S’il fut un homme volage, Helleu demeura toute sa vie tendrement attaché à son épouse et à ses enfants. Son salon peint en blanc, orné de meubles Louis XVI et de cadres dorés, est également son atelier, lieux de scènes intimistes expressives et sans mièvrerie. Helleu ne se lasse pas de saisir, au crayon ou à la pointe sèche, la grâce de sa femme Alice, son modèle favori, et les jeux de ses enfants, Ellen, Jean et Paulette.
Née en 1905, la cadette du couple Helleu fut éveillée dès son plus jeune âge au plaisir du dessin, comme le rappelle Madame Helleu, à genoux, regardant un carton à dessin avec Paulette (Paris : Musée du Louvre) ou Paulette enfant, à genoux, dessinant sur une grande feuille (Paris : Musée du Louvre). La jeune fille a la grâce féline de sa mère, son nez légèrement retroussé, ses traits fins et sa généreuse chevelure rousse. Paul Helleu l’a surprise ici au détour de l’appartement, assise les jambes croisées, les yeux baissé sur le dessin qu’elle exécute ; on retrouve cette expression dans Paulette assise à l’extrémité d’un canapé près de sa mère ( Paris : Musée du Louvre).
Helleu dessinait vite, presque hâtivement. La sanguine est ici posée en traits francs, appuyés, d’un geste sûr et sans estompe. C’est bien le même profil que celui de Paulette assise, de trois quarts à gauche, dessinant ; Paulette en buste ( Paris : Musée du Louvre), mais l’expression appliquée de l’enfant a désormais laissé place à la grâce mutine de la jeune fille, « femme-fleur ».
On décèle ici le regard de l’artiste, mais aussi l’affection du père, comme le rappelle ces mots qu’il écrivait en 1921 à Paulette, à propos d’une pointe sèche la représentant, admirée aux Etats-Unis où il est en voyage : « Ta gravure a eu un succès étonnant. C’est que je t’aime beaucoup et que cela a dû être gravé par moi en le faisant ».
Nous remercions Mme Frédérique de Watrigant d’avoir confirmé l’attribution de notre dessin qui sera inclus dans le catalogue raisonné des œuvres de l’artiste en préparation.
Bibliographie
Frédérique L. de WATRIGANT (dir.), Paul-César Helleu, Paris, Somogy, 2014.
Francesca DINI (dir.), Boldini, Helleu, Sem : protagonisti e miti della Belle Epoque, Milan, Skira, 2006.
Anne-Marie BERGERET-GOURBIN, Marie-Lucie IMHOFF, Paul Helleu, 1859-1927, cat. exp., Honfleur, Musée Eugène Boudin, 1993.