Sanguine rehaussée de blanc, sur deux feuilles jointes
Petit format exquis de précision et de finesse, notre feuille représente la Sainte Famille avec sainte Elisabeth et saint Jean Baptiste, un sujet absent des évangiles mais cher aux peintres du Cinquecento. Dans une mise en page millimétrée, et avec un sens de l’équilibre assuré, l’artiste à dessiné au premier plan la Vierge, vue de dos, le visage retourné vers nous. Derrière elle se tient Elisabeth. La différence d’âge entre les deux cousines est manifestée par les coiffures : une tresse couronne le visage de la Marie, quand Elisabeth porte la guimpe, apanage des femmes âgées. Entre les deux mères, les enfants Jésus et saint Jean-Baptiste se tiennent embrassés, rappelant la Visitation, et préfigurant l’épisode du baptême. Au-dessus de la Vierge, Saint Joseph est extérieur à la scène principale, comme le veut la tradition iconographique. L’arrière-plan dispose plusieurs autres personnages au milieu d’un agencement de colonnes antiques ouvrant sur un paysage.
L’artiste manie ici la sanguine avec brio et sensibilité, rehaussant de blanc les lumières. Les petites dimensions de la feuille en font une œuvre précieuse, qui dut être conçue pour elle-même, et appréciée par les collectionneurs dès sa création. Les personnages sont enveloppés de drapés amples, aux multiples plis savamment maîtrisés. Leur anatomie est élongée, les postures étudiées allient souplesse et élégance.
La facture gracieuse de ce dessin permet d’en situer l’exécution à Parme, dans l’entourage de Francesco Mazzola, dit le Parmesan. On peut le rapprocher plus précisément du travail de Jacopo Zanguidi, également appelé Bertoia. On connaît mal la vie de cet artiste, né quatre ans après la disparition du Parmesan et mort très jeune. Vasari ne parla pas de lui dans ses Vite, mais reproduisit plusieurs de ses dessins dans son Libro dei disegni.
La brève carrière de Bertoia s’était déroulée entre Parme et Rome : ses principaux commanditaires furent Alessandro et Ottavio Farnese. Il décora pour le premier l’Oratoire de la Confraternité du Gonfalone, à Rome. Pour le second, il exécuta une série de fresque au Palazzo del Giardino de Parme, puis au Palais Farnese de Caprarola, édifié par le célèbre Vignole. Les premiers travaux de Bertoia traduisent l’influence qu’exerça sur lui l’art de Parmesan, la souplesse de son graphisme rappelle Nicolò dell’Abate ; à Rome, l’artiste fut également marqué par les travaux de Raphaël.
On peut comparer notre œuvre à une Vierge à l’enfant assise contre un arbre, avec Saint Jean Baptiste (passé en vente chez Christies Londres en 1908 et chez Sotheby’s Londres en 2000). On y retrouve une Vierge aux formes élongées, à l’allure majestueuse dans son drapé enveloppant, et des enfants aux corps potelés, souplement articulés.
Provenance
J. Goll van Franckenstein (L. 2987), avec le numéro ’4070’.
R.P. Roupell (L. 2234) ; probablement Christie’s, London, 12-14 juillet 1887, lot n° 809, comme ’Parmigianino, Holy Family with Saints’.
Bibliographie
Figure. Disegni dal Cinquecento all’Ottocento nella Pinacoteca Nazionale di Bologna, catalogue d’exposition, Bologna, Pinacoteca Nazionale, Academia di Belle Arti, Electa : Milano, 1998, n° 12
D. DEGRAZIA, Bertoia, Mirola and the Farnese court, Nuova Alfa, 1991