Pierre noire, estompe et rehauts de blanc sur papier chamois
Au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, Pauline Auzou compta parmi les peintres féminins qui surent se forger une réputation, au sein d’un milieu artistique majoritairement composé d’hommes. L’artiste commença sa carrière dans l’atelier de Jean-Baptiste Regnault, l’un des rares endroits où pouvaient alors se former les femmes. Le lieu fut décrit avec pittoresque par Albertine Clément-Hémery, qui évoque dans ses Souvenirs « madame Auzou, une artiste distinguée, que rien ne pouvait distraire de ses études ; ses tableaux, mentionnés honorablement dans toutes les expositions, suffisent à sa gloire, son nom ne se rattache à notre atelier que pour l’honneur de son maître ».
Pauline Auzou exposa pour la première fois au Salon en 1793, l’année de son mariage avec le papetier Charles-Marie Auzou. A une exception près, elle présenta des œuvres à tous les Salons jusqu’en 1822. Cette constance, et la qualité de son travail, lui valurent l’estime de ses pairs. Elle s’adonna aussi bien à la peinture mythologique et historique qu’aux scènes de genre et au portrait. Médaillée d’Or en 1806, elle fut remarquée par Vivant-Denon qui la signala à Napoléon, parmi d’autres artistes représentatifs du « genre anecdotique ». Elle obtint par la suite deux commandes impériales : L’Arrivée de S.M. l’Impératrice, dans la galerie du château de Compiègne (salon de 1810, château de Versailles) et S.M. l’Impératrice, avant son mariage (1812, idem), qui comptent parmi ses principaux succès. Sous la Restauration, on trouvait des œuvres de Pauline Auzou dans les collections de la duchesse de Berry ; au cours de cette période, l’artiste cessa d’exposer, pour se consacrer à l’atelier féminin qu’elle dirigeait à Paris.
Si Pauline Auzou fut appréciée pour sa peinture, elle dessina également beaucoup, comme l’attestent les feuilles qu’elle publia dans le Journal des dames et des modes. La jeune femme manifestait une prédilection pour l’histoire grecque, qu’elle illustra sans magnificence, mais avec intimité et une grande sensibilité, dans une veine évoquant Girodet. Notre dessin tient de ce goût. L’artiste a travaillé sur une feuille de papier vergé qu’elle a teinté de noir à l’estompe. Les personnages y sont dessinés par de multiples traits de pierre noire, vigoureux, rehaussés de craie blanche.
On y voit une procession de vestales, drapées dans des tuniques plissées et couronnées de fleurs et de laurier. En tête, l’une joue de la cithare, un bras levé en signe d’invocation. Derrière elle, deux autres semblent chanter. Des jeunes garçons nus, couronnés de laurier, les entourent. L’un d’eux joue de l’aulos, un autre tient une bassine sur l’épaule. L’iconographie évoque un cortège nuptial : dans la pièce vers laquelle l’assemblée se dirige, un couple à moitié dénudé se tient enlacé ; un second couple clôt le cortège. L’esprit rappelle celui de l’assemblée de jeunes filles entourant la seconde femme de l’Empereur, dans les tableaux de Versailles. La manière se retrouve dans plusieurs dessins de Pauline Auzou, comme un Portrait de femme assise sur un divan (vente Christie’s, Londres, 10 juillet 2001, n° 129) ou encore une Vestale (vente Christie’s, Paris, 10 avril 2008, n° 140).
Provenance :
France, collection particulière
Bibliographie :
V. P. CAMERON, “Portrait of a musician by Pauline Auzou”, in The Currier Gallery of Art, n° 2, Manchester, 1974
A. CLEMENT-HEMERY, Souvenirs de 1793 et 1794, Cambrai, 1832