Huile sur carton. Signé et daté Jules Adler / Boulogne 1905 en bas à droite
Rien ne destinait le jeune franc comtois d’origine modeste qu’était Jules Adler à devenir peintre, si ce ne sont son talent et ses prédispositions pour le dessin remarqués par ses professeurs. Aussi, ses parents décidèrent-ils d’emménager à Paris où Jules fut admis à l’Ecole des Arts Décoratifs dès l’âge de 17 ans. Puis en quête d’autonomie artistique, il intégra l’Académie Julian sous la direction de William Bouguereau et Tony Robert-Fleury ; il se lia d’amitié avec Paul Chabas, Roussel et Vuillard en 1883, et en 1884, il entra à l’Ecole des Beaux-Arts avec Dagnan-Bouveret.
Jules Adler résuma à Barbedette, son premier biographe, l’orientation de son style. « Ma nature me poussait à exprimer surtout la vie profonde des hommes et des choses, plutôt que de donner à l’œil une grande fête de couleurs. Dès ma sortie de l’atelier, je fus attiré par des spectacles de vie ardente, active et parfois douloureuse (...). Une partie de ma carrière s’est donc passée à décrire la foule humaine et anonyme de la grand’route et des faubourgs. Je me suis penché avec une sympathie cordiale sur les humbles et sur les simples, trouvant auprès d’eux l’écho de mes pensées. »
Grâce au tableau intitulé Marché du faubourg Saint Denis présenté au salon de 1895 et
acquis par l’Etat, Adler obtint une bourse qui le mena en Suisse, en Italie...
En Belgique et aux Pays-Bas, il s’enthousiasma pour la peinture de Rembrandt qu’il vénérait.
De retour à Paris, il s’installa dans un vaste atelier place de la République, voisin de Ten Cate et Van Dongen.
Il rencontra Constantin Meunier, avec lequel il partageait la même vision du monde, en particulier le réalisme social. Jules Adler découvrit les côtes de la mer du Nord vers 1905-1910. Le lieu était alors très apprécié des peintres tels Bonington ou Whistler que l’on pouvait croiser accompagnés de leurs élèves.
Reconnu comme peintre de la vie populaire, il trouva sur la Côte d’Opale les sujets qui l’inspiraient autour de la vie maritime : le retour de pêche, l’attente des femmes de marins...
Notre peinture fut réalisée en 1905 lors d’un des premiers séjours de l’artiste à Boulogne-sur- Mer. On est saisi par le côté pittoresque et croqué sur le vif de cette scène de port animée de femmes de marins qui déambulent sur le quai par groupes de trois, telles des patineuses glissant sur un sol mouillé aux reflets irisés.
La touche vibrante et brossée que nous a laissée l’artiste dans cette huile sur carton conforte la scène anecdotique emplie de vie. La technique en réserve très rapide sur un carton à fond brun joue des transparences de matières et renforce élégamment la subtile lumière du nord qui jaillit entre deux averses. Enfin, le vent s’engouffrant dans cette rade fait ployer les personnages qui résistent à la bourrasque.
L’artiste nous a laissé de nombreuses scènes saisies sur les quais du port de Boulogne sur Mer. Notre œuvre fait écho à la Famille des pêcheurs sur le quai de Boulogne (huile sur toile, 1906, vente Laurent, Guilloux, Buffetaud, Tailleur, 23 avril 1985, n°100), peinte d’une manière allusive et expressive, dans le cadre similaire d’un quai animé, scandé de mâts de bateaux, et clos d’une ligne d’habitations de l’autre côté du bassin. Elle évoque également le fameux tableau des Haleurs (huile sur le toile, 1904, Musée du Luxeuil-les-Bains), et l’une huile sur toile des Enfants regardant un bateau de pêche rentrant au port peinte en 1904 (25 x 40 cm, provenant de la collection Colchester and Ips wich Museums Services.)
Surnommé « Le peintre des humbles » par Louis Vauxcelles, Jules Adler privilégie un naturalisme pictural d’un monde ouvrier simple, authentique, influencé par la lumière impressionniste.
Bibliographie
M. MOYNE, F. LE CORRE, Peintres de la Côte d’Opale au XIXe siècle, catalogue d’exposition, Etaples, Maison du Port, Paris : Somogy, 2013
Jules Adler (1865-1952), catalogue d’exposition, Remiremont : Musée Charles de Bruyères,
1979
L. BARBEDETTE, Le peintre Jules Adler, Besançon, Séquania 1938