Plume, encre noire et aquarelle gouachée sur vélin
Issue d’une famille d’artisans et artistes vénitiens, Giovanna Garzoni montra très tôt des dispositions artistiques ; elle exécuta ainsi dès 1616 une Sainte Famille puis un Saint André, dans le style de Palma le Jeune, dont on pense qu’elle fut l’élève. Cependant, la « grande peinture » n’étant pas à l’époque considérée comme acceptable pour une femme, elle se tourna vers la calligraphie, l’illustration scientifique et le portrait en miniature.
L’une de ses œuvres de jeunesse, l’illustration d’un livre enluminé daté de 1625, présente des fruits, des insectes, des oiseaux et des fleurs ; ces sujets allaient devenir sa spécialité. Lors de son premier séjour à Rome, dans les années 1620, Giovanna Garzoni se lia d’amitié avec l’érudit Cassiano dal Pozzo, les Barberini et l’Académie des Lincei, première académie scientifique italienne qui fut à l’origine du renouveau de l’illustration naturaliste. Par la suite, elle travailla avec succès pour un cercle de mécènes, notamment à Florence, ville où elle séjourna plusieurs années et développa une importante clientèle issue des grandes familles de l’aristocratie, en particulier les Médicis.
Le raffinement des natures mortes de Giovanna Garzoni reflète ainsi le goût des familles fortunées qui lui passaient commande pour décorer leurs villas, et témoigne de l’intérêt de ses contemporains pour la représentation scientifique de la nature, courant de pensée auquel les Médicis adhéraient depuis le XVIe siècle, notamment à travers les cabinets de curiosité renfermant des répertoires d’animaux et de végétaux domestiques et exotiques. Giovanna Garzoni s’inscrit donc dans la lignée des artistes de natures mortes italiens ou étrangers comme Jacopo Ligozzi, Otto Marseus, Van Schrieck ou Willem van Aelst présents à la cour des Médicis et capables de reproduire la nature avec talent.
Cette nature morte illustre un type de composition, celui du saladier avec des fruits et légumes, que l’on a notamment retrouvé dans la peinture piémontaise et lombarde de Orsola Caccia ou Panfilo Nuvolone et que Giovanna Garzoni avait probablement découvert et adopté lors de son séjour auprès de Christine de France à Turin entre 1632 et 1637 ; on peut ainsi la rapprocher d’une nature morte similaire, celle des Artichauts dans un plat chinois avec rose et fraises, conservée à la Galerie Palatine (Florence). Dans la grande tradition des vanités, Garzoni nous fait toucher du doigt le temps qui passe et la destinée de l’homme. Les piqûres et oxydations sur la rose au premier plan ainsi que sur les feuilles des artichauts, les feuilles desséchées et craquantes qui débordent du plat chinois forment une allégorie de la déchéance humaine avec tous ses affres. La composition est dominée par le souci de naturalisme, visible en particulier à travers le dessin très maîtrisé des feuilles et des tiges et la représentation méticuleuse des détails ; la touche pointilliste et le choix de la technique sur vélin contribuent également à la précision scientifique de cette nature morte d’une grande rareté.
Bibliographie :
S.MELONI TRKULJA, E.FUMAGALLI, Giovanna Garzoni : Natures mortes, Paris, Bibliothèque de l’Image, 2000, cf pour comparaison Artichauts dans une assiette chinoise avec rose et fraises, p. 60.
G. CASALE, « Giovanna Garzoni : insigne miniatrice » 1600 - 1670, Milan, Jandi Sapi, 1991
G. CASALE, cat. d’exposition « Gli incanti dell’iride : Giovanna Grazoni ,pittrice nel Seicento », Silvana, 1996
Provenance :
France, Collection particulière