80 x 60 cm
Circa 1940.
Plume, encre noire et aquarelle.
Signé en bas à droite.
Provenance
France, collection particulière.
« Je n’ai pas oublié la période héroïque des indépendants - quand nous étions groupés autour de Paul Signac, du charmant et vaillant Maximilien Luce - dans ces baraques où l’Art vivant et authentique se groupait en dehors des formules académiques - ou des tendances littéraires et systématiques - qui devaient aboutir à cette esthétique abstraite dont crève la peinture » (dans une lettre au peintre Maurice Boitel, dans les années 1950).
André Dunoyer de Segonzac, s’il se désintéresse des révolutions esthétiques formelles de ses contemporains, fréquenta néanmoins de très près les milieux avant-gardistes du début du XXe siècle. Ami de Paul Poiret, Max Jacob, Raoul Dufy, Maurice de Vlaminck, André Derain, Paul Signac et Maximilien Luce, il n’adhéra pourtant jamais à aucun des grands mouvements esthétiques du début du siècle. En effet, dès le début de sa carrière, Dunoyer de Segonzac, accompagné de Jean-Louis Boussingault et Luc-Albert Moreau, entreprit de restaurer un certain réalisme dans la lignée de Gustave Courbet en se concentrant sur les natures mortes, les nus ou les paysages. Si la déconstruction cubiste l’inspire parfois dans ses dessins, il ne tendra jamais vers l’abstraction totale des formes.
Il fut un excellent dessinateur et graveur, deux techniques qui lui permirent de se concentrer sur le trait et la forme qui se révèlent toujours d’une grande précision et d’une certaine rigueur graphique. A l’image de notre belle nature morte, son style reste emprunt d’une sobriété chromatique et sa palette se limite à des teintes sombres, où dominent principalement les ocres, les terres, les rouges foncés. Dans la composition, la carafe et la table se fondent dans le décor, disparaissant presque dans le fond brun de l’aquarelle et n’existent finalement que grâce au dessin à l’encre qui découpe leurs formes en silhouettes.
L’artiste considère l’aquarelle comme un médium à part entière, plus complet que le dessin et qui répond à ses exigences graphiques, ce que la peinture ne permet pas. Ici le dessin initial à l’encre régit toute la nature morte, il ne disparait jamais sous la couleur. Seules quelques touches de couleurs franches, telles que le jaune orangé des fruits ou le bleu du torchon, suffisent à donner du volume à l’ensemble.
Le parti-pris géométrique qui domine les objets représentés tempère également cette sensation d’aplat. Dunoyer de Segonzac montre une réelle préférence pour les formes massives et simplifiées aux lignes cassantes. On retrouve cette esthétique dans les aquarelles de cette époque comme dans la Nature morte aux pêches de vignes de 1943.
André Dunoyer de Segonzac connut une belle carrière internationale avec un voyage aux États-Unis en 1928. Il exposa tout au long de sa carrière au Salon d’Automne et au Salon des indépendants à Paris. Mobilisé en 1914, il réalisa de nombreux croquis de guerre, principalement des portraits de ses camarades poilus. Ces émouvants témoignages de guerre sont aujourd’hui dans les collections du monde entier (dont un certain nombre à la National Gallery of Art de Washington). Une rétrospective de son œuvre a été présentée à Paris à la galerie Durand-Ruel peu avant sa mort en 1972.
Bibliographie :
Anne DISTEL, A. Dunoyer de Segonzac, collection Les maîtres de la peinture moderne, Paris Flammarion, 1980.