Louis VALTAT (Dieppe 1868 - Paris 1952)

Nature morte aux pommes

24.5 x 39 cm

Aquarelle et fusain.
Signé en bas à droite.

Bibliographie :
Louis Valtat à l’aube du fauvisme, cat. exp., Musée de Lodève, Editions midi-pyrénéennes 2011.
• Valtat indépendant et précurseur, cat. exp., Sète, Musée Paul Valéry, Ed. Au fil du temps, 2011.
• J. Valtat, Louis Valtat, catalogue de l’œuvre peint 1869 – 1952, Paris, Neuchâtel, : Ides et Calendes, 1977.
Louis Valtat : rétrospective centenaire, cat. exp., Genève, Petit Palais, 1969.

Louis Valtat a longtemps déjoué l’analyse des critiques, bien en peine de réduire cet artiste original à l’un des courants officiels qui structurent l’histoire de l’art. Tour à tour rattaché au postimpressionnisme, aux nabis ou aux fauves, Valtat a tracé une route indépendante, fruit d’une sensibilité instinctive et d’une expérimentation sans faille. Né à Dieppe dans une famille d’armateurs, Valtat grandit à Versailles, d’où il quitta le Lycée Hoche pour entrer en 1886, à l’âge de 17 ans, à l’École des Beaux-Arts. Il compléta sa formation à l’Académie Julian, où il se lia d’amitié avec Pierre Bonnard et Albert André. Ses premiers envois au Salon des Indépendants, en 1893, le firent remarquer de Félix Fénéon. Atteint de phtisie, il découvrit l’année suivante à Banuyls les lumières du Sud, puis poursuivit à Arcachon sa convalescence.

De là, il envoya au Salon de 1896 des peintures audacieuses qui préfiguraient l’esthétique des Fauves. Après une première exposition chez Durand-Ruel, il dut la stabilité de sa carrière à Ambroise Vollard, qui acquit à partir de 1900 une part importante de sa production par l’entremise amicale de Renoir. Présent cette même année à la Libre Esthétique de Bruxelles, il figurait en 1905 au Salon d’Automne, dans la même salle que Kandinsky et Jawlensky, puis exposa les années suivantes à Vienne, Dresde, Berlin, et jusqu’en Russie.

Louis Valtat puisa son inspiration dans le quotidien, d’abord celui des rues animées qui jouxtaient son atelier, installé rue de La Glacière, puis dans les différentes régions entre lesquelles il partageait sa vie. Depuis la fin des années 1890, il passait une partie de l’année avec sa femme en Provence, à Agay puis à Anthéor. Il y côtoyait Renoir et Paul Signac. En été, il séjournait en Normandie. Les mois restant se passèrent sur la butte Montmartre, puis avenue de Wagram, que le peintre quitta en 1924 pour s’installer à Choisel, en vallée de Chevreuse. Son travail est alors officiellement reconnu. En 1927, il reçut la Légion d’Honneur. À la veille de sa mort, en 1951, six de ses peintures figuraient sur les cimaises du Musée National d’Art Moderne à l’exposition « Le Fauvisme ».

Louis Valtat n’a laissé aucun écrit pouvant documenter son œuvre, dont l’analyse traduit une évolution continuelle, sous-tendue par d’inlassables recherches sur le motif. Le peintre travaillait avec vivacité, dans des tons naturels. Il peignait des visages familiers, des passantes, des fleurs, des paysages ou des natures mortes. Parmi ces dernières, des huiles nous sont essentiellement parvenues ; notre Nature morte aux pommes vient donc enrichir un corpus sur papier très restreint.

Valtat a composé son travail avec une sobriété expressive digne de Chardin. Les pommes en sont l’unique sujet, disposées dans une assiette rehaussée de festons bleus que l’on retrouve dans le Plat de pêches et grappe de raisin (vente Sotheby’s, 5 novembre 2014, n° 357), et sur une table évoquée en quelques traits. Le décor, en arrière-plan, est simplement suggéré. Selon son habitude, l’artiste dessine au fusain, d’un trait épais qui cerne les fruits et souligne les ombres. Il emploie ensuite l’aquarelle, en technique sèche et sans fondre les tons. La gamme chromatique est restreinte : jaune, rouge, çà et là rehaussés de pourpre ou d’un vert léger, sur le fond beige du papier soutenu de noir ou lavis brun.

A la façon d’un Cézanne, Valtat trouve dans ces quelques fruits le support à une recherche plastique sur la forme et la couleur, et à la traduction d’une poésie du quotidien. Classique dans sa manière, il ne s’affranchit pas de la perspective ni du relief, mais synthétise son observation dans un dessin qui rassemble avec justesse l’immédiateté sensible de l’esquisse, et l’harmonie colorée apte à rendre présent l’inanimé. Il réalise ainsi ce « profond dessein d’artiste » que résumait Charles Sterling à l’occasion de la grande rétrospective La Nature morte de l’Antiquité à nos jours, au Musée de l’Orangerie, en 1952 : « celui de nous imposer son émotion poétique devant la beauté qu’il a entrevue dans ces objets et leur assemblage ».
M.B.

Nous remercions l’Association des amis de Louis Valtat de nous avoir confirmé l’authenticité de cette œuvre qui sera intégrée dans le catalogue raisonné en préparation sous le numéro de référence 2333A9.

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