Joseph-Marie VIEN (Montpellier 1716 – Paris 1809)

« Portrait d’un homme barbu »

Sanguine

Remonter aux origines de la longue carrière de Joseph-Marie Vien conduit à Montpellier. C’est dans l’atelier du portraitiste Legrand, aux alentours de 1727, que ce fils d’artisan serrurier s’initia au dessin. Son apprentissage se poursuivit dans une faïencerie, où le jeune homme peignit essentiellement des motifs décoratifs et floraux. Mais c’est réellement auprès de Jean Giral, un élève de Charles de La Fosse, que Vien découvrit et pratiqua la peinture à l’huile quatre années durant. De là, il gagna Paris en 1740. Pris sous la protection de Natoire, Vien parfait sa formation, professant l’importance du travail d’après nature et recevant plusieurs médailles au Salon. Prix de Rome en 1743, il étudia dans la Ville éternelle jusqu’en 1750. Le directeur de l’Académie, Jean-François de Troy, laissait alors une grande liberté à ses pensionnaires en matière d’étude. Vien se distingua par son goût pour la Renaissance : il copia assidument Raphaël, Michel-Ange, les frères Carrache, et par-dessus tout le Guerchin.
Le retour de l’artiste en France fut marqué par l’accès à de grandes commandes religieuses, et peu à peu par une nouvelle orientation, notamment sous l’influence du comte de Caylus. Vien, qui fut reçu à l’Académie en 1754, devint célèbre dans les années 1760 pour ses peintures « à la grecque ». Par leur composition et leur couleur épurée, elles le firent considérer comme précurseur, voire père, du néo-classicisme. Sa carrière atteignit alors son apogée. De retour à Rome en 1775, où il assura pendant sept ans la direction de l’Académie, il attesta de ses talents de pédagogue, réformant largement l’enseignement. Il aura notamment pour élève Regnault, Suvée, et David.

Vien figure ici, en buste, un vieil homme aux cheveux mi-longs et à la barbe abondante. Le trait de sanguine est serré, ferme et précis. Il s’adapte au modelé du visage, autant qu’à la légèreté des extrémités de la barbe. La ligne suggère la lumière, son intensité modulant les contrastes sur un fond légèrement rehaussé de stries parallèles. L’artiste capte l’expression du vieil homme, la bouche entrouverte, les yeux levés au ciel, le nez busqué et les sourcils légèrement froncés.
On retrouve ce type de visage dans l’œuvre de Vien dès les années 1740, figurant des saints, des évêques ou des vieillards. Il apparaît ainsi dans le cycle illustrant la vie de Sainte Marthe, peint en 1747 pour le couvent capucin de Tarascon. Vien réalisa également à cette époque des têtes d’expression, modèles dans lesquels il puisera pour composer ses grandes réalisations religieuses.
On peut confronter notre œuvre à deux sanguines conservées à l’Harvard Art Museum. Dans le Buste de Saint Eloi, Vien fait un même usage du médium, pour camper un visage à l’expression similaire, légèrement de profil et le regard élevé. Ce dessin correspond à la peinture d’un dessus de porte représentant Saint Eloi en pied, réalisé par l’artiste à la demande de Madame de Pompadour en 1752, pour la chapelle du château de Crécy. Il fut gravé à la manière de sanguine par Louis-Marin Bonnet dans le Mercure de France en 1772. Une facture semblable se retrouve dans la Tête de Saint Germain, vieillard au front dégarni saisi par l’artiste en plein recueillement.

Provenance :
France, Collection particulière

Bibliographie
- Mastery & Elegance. Two centuries of French drawings from the collection of Jeffrey E. Horvitz, catalogue d’exposition, Cambridge : Harvard, 1998
- T. GAEHTGENS, J. LUGAND, Joseph-Marie Vien. 1716 – 1809, Paris : Arthena, 1988

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