Pierre noire, estompe, et rehauts de craie blanche
Pauline Auzou étudia dans l’atelier féminin de Jean-Baptiste Regnault, où elle se distingua par la qualité et la sensibilité de son travail. Dans l’univers artistique masculin du tournant du siècle, elle s’imposa rapidement comme une artiste reconnue. Elle exposa pour la première fois au Salon de 1793, et y fut présente jusqu’en 1817 : elle le délaissa ensuite pour se consacrer à l’enseignement, dans l’atelier de jeunes femmes qu’elle avait fondé. L’artiste ne cessa cependant d’actualiser son style, qui manifestait à la fin de sa vie l’influence des artistes romantiques.
La jeune femme s’attacha dans un premier temps aux sujets mythologiques et à la peinture d’histoire. Elle fut signalée par Vivant-Denon à Napoléon, qui lui commanda deux grands tableaux : L’Arrivée de S.M. l’Impératrice, dans la galerie du château de Compiègne, 1810, et S.M. l’Impératrice, avant son mariage, 1812 (Château de Versailles). Evoluant vers une clientèle privée, à qui plaisait la grâce féminine de son style, elle se consacra progressivement aux scènes de genre et aux portraits.
Pauline Auzou dessina beaucoup : elle étudia d’après le modèle vivant, aussi bien masculin que féminin, et réalisa également de nombreuses têtes d’études, publiées en recueil chez Didot en 1800. L’artiste dessina également près de trois-cent planches pour le Journal des dames et des modes, entre 1807 et 1809. Ce périodique auquel collaborèrent des femmes peintres, journalistes et éditrices, fut la tribune d’une analyse ironique de la société, en défendant l’émancipation de la condition féminine.
On reconnaît dans ces trois dessins la délicatesse et la sensibilité de l’art de Pauline Auzou, qui manifestait une prédilection pour les représentations d’enfants. Elle dut prendre souvent pour modèles ses deux filles et ses deux garçons, dont le premier est né en 1794. Loin du portrait bourgeois d’apparat, elle exécute ici des études empreintes d’une grande liberté d’expression. Pauline Auzou saisit ses modèles avec douceur, dans des attitudes pensives, retenues. Les regards sont larges, les lèvres très dessinées et les chevelures libres. Pauline excelle à manier la lumière, qui traduit la souplesse du modelé ; elle travaille à l’estompe, rehaussant certains détails à la pierre noire avec une grande finesse.
Ces dessins nous renseignent sur le travail quotidien de l’artiste « que rien ne pouvait distraire de ses études », selon sa contemporaine Albertine Clément-Hémery. Dans le Portrait de jeune garçon de profil (a), elle travaille en premier lieu au trait ; elle reprend ensuite le même motif en valeurs. Dans l’Etude de jeune homme vu de trois-quarts (c), elle retravaille indépendamment l’œil gauche et l’oreille, avant d’exécuter le portrait définitif. Elle y marie avec bonheur un visage d’aspect fini et un habit seulement esquissé. Dans le Portrait de jeune garçon accoudé (b), au visage potelé, elle rehausse de craie blanche l’éclat de l’œil, la lumière du front, ou encore les plis du col volanté.
Pour la qualité de la facture, comme l’intensité des expressions, on peut rapprocher nos dessins de deux autres portraits d’études de l’artiste : une Tête de garçon tourné de trois quart à gauche, regardant en l’air et un Portrait de jeune femme en buste, tournée de trois quart vers la gauche (vente Christie’s, 15 décembre 2000, n° 194 et n° 200).
Provenance :
France, collection particulière
Bibliographie :
V. P. CAMERON, “Portrait of a musician by Pauline Auzou”, in The Currier Gallery of Art, n° 2, Manchester, 1974
A. CLEMENT-HEMERY, Souvenirs de 1793 et 1794, Cambrai, 1832