Diamètre : 4,5 cm
Miniature sur vélin
Signé et daté Isabey 1842
Provenance :
• Collection de la descendance d’Isabey
• France, collection particulière.
Bibliographie :
• Edmond Taigny, J.-B. Isabey : sa vie et ses oeuvres, E. Panckoucke, Paris, 1859.
• Cyril Lecosse, Jean-Baptiste Isabey : petits portraits et grands desseins, CTHS : Institut national d’histoire de l’art, Paris, 2018.
« Isabey […] c’est pour la bonne bouche, de dessin et de couleur il en tient une touche. / Qui lui fera longtemps un nombre d’envieux. / Si tous lui ressemblaient ; que ferais-je en ces lieux ? / C’est parmi les défauts que se plaît le satyre. / Cherchons d’autres objets. J’ai besoin de médire. »[1]
Jean-Baptiste Isabey fut célébré de son vivant pour la vivacité avec laquelle il sut rendre vivants ses « petits portraits ». Formé dans l’atelier de Jacques-Louis David (1748-1825), « l’influence du maître fut courte, et les leçons qu’il en reçut ne firent qu’ajouter à la délicatesse de son crayon la pureté du dessin, sans altérer en rien le caractère élégant de son talent ».
Isabey est un excellent dessinateur qui reçoit les meilleurs éloges aux Salons et devient le maître incontesté de la miniature française de la fin du XVIIIe siècle. Traditionnellement réservés aux grands hommes, le portrait connaît à cette époque une expansion sans précédent. Dans un paysage culturel, social et politique en constante évolution entre sa naissance et sa mort, Isabey choisit de ne pas se limiter quant au choix de ses modèles. Ainsi, parmi les nombreuses figures publiques sur lesquels il fonde sa réputation, se présentent également quelques modèles anonymes qui ne manquent pas d’étonner et de déranger la critique.
Notre oeuvre représente le baron Piotr Kazimirovich Meyendorff portant les insignes de la légion d’honneur. Militaire ayant participé aux campagnes étrangères de l’armée russe entre 1813 et 1814, Meyendorff se fait remarquer pour ses dons de stratège, ce qui le mène à rejoindre le service diplomatique. Rapidement, il se place comme l’un des éléments majeurs des liaisons entre la Russie et l’Autriche et est nommé conseiller à l’ambassade de Russie en Autriche, doublé d’une mission de chargé d’affaires aux Pays-Bas. Entre 1839 et 1850 il est connu comme ambassadeur russe. Envoyé en Prusse pour participer à la Conférence d’Olmütz, il est le représentant de l’Autriche et de la Russie face au baron Otto Theodor von Manteuffel (1805-1882) Ministre-président de la Prusse. Le 29 novembre 1850 il signe le traité qui met fin aux tensions entre les trois entités qui existaient depuis 1848. Parmi ses nombreux voyages en Autriche, Meyendorff rencontre sa future épouse, la Comtesse Sofya Rudolfovna Buol von Schauenstein (1800-1868), soeur du Premier ministre et ministre des Affaires Étrangères mais aussi probablement Isabey qui le portraiture au crayon à mi-corps, assis sur un fauteuil. Ce dessin et notre miniature proviennent de la descendance de l’artiste. Notre oeuvre date de 1842, hypothèse d’un second voyage en Autriche d’Isabey.
D’une production beaucoup plus rapide et moins couteuse, les miniatures sont très appréciées des artistes et des acheteurs et constituent ainsi une très forte production entre 1780 et 1800. Largement représentées au Salon, leur prix varie selon la qualité de l’exécution, la technique et le support. Vélin, ivoire, carton, Isabey s’essaie à différents matériaux participant à son succès. Parmi ces miniatures sur vélin, dont notre portrait est un formidable exemple, la critique parle d’une grande maîtrise de « l’effet des lumières » et de têtes dessinées qui ont « la vie et beaucoup d’expression ». À partir des années 1790, Isabey privilégie les formats médaillon très en vogue ainsi que les fonds monochromes qui permettent de guider le regard vers l’essentiel. Grâce à une technique très rigoureuse de dessin en pointillé contenue sur un support n’excédant pas les 5 centimètres, notre portrait rend avec minutie les volumes et détails des cheveux et de la veste au col brodé d’or, tout en conservant un aspect lisse qui flatte l’ensemble et laisse percevoir les multiples coups de crayon et d’aquarelle qui rendent la carnation de son visage.
Pris entre deux siècles, Jean-Baptiste Isabey, poursuit son ascension à travers tous les régimes qu’il traverse. Considéré comme le plus habile de ses contemporains dans le domaine de la miniature, Isabey avouera luimême avoir cherché à « passer pour le fondateur d’une école nouvelle », un genre « à part au moyen duquel il éloignerait toute comparaison dangereuse, et pourrait fixer l’attention sur ses [dessins]. » Sous le Premier Empire, devenu hôte habituel de la Malmaison, il portraiture les membres du clan Bonaparte dont Napoléon à plusieurs reprises, Joséphine et ses enfants, avec qui il s’était lié d’amitié.
[1] Critique sur les Tableaux exposées au Salon en l’An IV, Paris, Impr. de Madame Hérissant Le Doux, coll. Deloynes, t. XVIII, n° 476, 1795, pp ; 6-7.