Pierre noire et pastel rehaussé de craie blanche sur papier crème. Signé en bas à droite.
Les années 1890 voient l’épanouissement de la carrière de Stuck. Il avait obtenu en 1889 une médaille d’or pour ‘Le gardien du paradis’, l’une des trois œuvres exposées au Glaspalast de Munich. En 1892, il fut l’un des membres fondateurs de la Sécession de Munich. Suscitant parfois la controverse, l’artiste tint un rôle essentiel et engagé dans le développement du symbolisme allemand. Ses œuvres illustrent notamment la publication d’avant-garde ‘Jugend’, « revue illustrée hebdomadaire munichoise pour l’art et la vie », fondée en 1896 sous l’impulsion de Georg Hirth.
Franz von Stuck fut également un professeur très apprécié, et l’on compte parmi ses étudiants à l’Académie des Beaux-Arts de Munich les artistes Paul Klee et Wassily Kandinsky. Diversifiant ses pratiques, il dessina, construisit et décora en 1897-1898 une Villa Stuck, qui suscita un véritable engouement.
L’œuvre de Franz von Stuck est conduite par une imagination fertile, quelquefois teintée d’humour, toujours empreinte de gravité ; le péché et la mort sont pour lui d’abondantes sources d’inspiration. La femme, féminine et sensuelle, parfois mystérieusement muée en sphinge, y occupe une place majeure ; sa représentation est certainement redevable aux théories vitalistes de Nietzche ou de Bergson.
Le modèle féminin favori de Stuck demeura toutefois Mary, sa fille unique née en 1896 de sa liaison avec Anna Maria Brandmeier. On la retrouve dès son plus jeune âge, en médaillon ou en pied, sous le pastel ou le pinceau de l’artiste. A son habitude, il commençait par réaliser une série de photographies de son modèle, sous tous les angles. Il décidait sur cette base de la composition finale. Ses premières ébauches étaient parfois construites directement en transparence, d’après la photographie, laissant comme sur notre œuvre des contours noirs caractéristiques.
Mary est souvent figurée costumée - à la mode des ménines de Vélasquez, en danseuse espagnole ou encore en toréro. Notre œuvre s’insère dans une série de portraits que l’artiste fit de sa fille alors âgée de vingt ans, en tenue grecque. Mary est vêtue d’un peplum d’or rehaussé de bleu, ses cheveux sombres sont retenus en chignon par un bandeau. Elle figure sur un fond neutre, subtilement relevé à l’horizon par un paysage. Le trait doux mais ferme semble faire émerger les formes des réserves du papier crème. Avec une grande économie de moyen, l’artiste nous introduit ainsi dans la rêverie d’une jeune femme au seuil de l’âge adulte.