Aquarelle, Gouache et fusain. Au verso : titré, timbre du cachet d’atelier à l’encre grise et annotations au crayon.
De son vrai nom Lev Samoïlevitch Rosenberg, le russe Léon Bakst figure parmi les plus importants peintres décorateurs du début du XXe siècle. Etudiant aux Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg, puis séjournant brièvement à Paris (1893 – 1895), Bakst se fit connaître à Moscou comme décorateur d’intérieur.
A partir de 1902, il travailla pour les théâtres impériaux de St Pétersbourg. Dès ses premiers décors et costumes, son style novateur, féérique et coloré, fit sensation. Parallèlement, l’artiste enseigna le dessin ; Chagall fut l’un de ses élèves.
En 1898, Bakst collabora avec Serge de Diaghilev à la fondation de la revue Mir Iskoustva (le Monde de l’Art). Cette parution d’avant-garde présenta les travaux des principaux mouvements artistiques européens contemporains, et se fit le porte-parole des mouvements symbolistes et Art Nouveau.
En 1909, Bakst rejoignit Paris où il s’installa définitivement. Il y retrouva Diaghilev avec qui il avait noué de solides liens d’amitié. Cet homme qui se définissait à la fois comme « affligé de l’absence totale de talent » et « un charlatan, d’ailleurs plein de brio », préparait alors la première saison des Ballets Russes, qui suscitèrent l’enthousiasme du public parisien.
Mécène doué d’un instinct artistique aiguisé, Diaghilev sut réunir – vingt-deux saisons durant – les plus grands musiciens, peintres et chorégraphes, dans la production de ballets aux formes sans cesse renouvelées. L’impact de ces œuvres transgressant les codes traditionnels retentit au-delà des arts de la scène sur l’ensemble de la création artistique contemporaine.
L’inspiration russe et orientale des premières années s’élargit progressivement, et Debussy, Picasso, Braque ou Matisse rejoignirent Stravinsky, Benois et Bakst, offrant au public un « spectacle total » où la danse, les décors et la musique, tendaient à exprimer différentes aspects d’un art unifié.
Notre dessin est un projet de décor pour le « jardin, enchanté de Kastchei », premier des deux actes du ballet l’Oiseau de feu. Créé en 1910 à partir de contes russes, il est chorégraphié par Folkine sur une musique du jeune Stravinsky – première révélation du compositeur sur la scène artistique européenne. Dans des conditions que l’on ignore, seule la réalisation des habits des trois personnages principaux – l’Oiseau de feu, le Tsarevitch et la Tsarevna – fut finalement impartie à Bakst, tandis que le décor revint à Golovine. Bakst y déploie sa compréhension dynamique, sensuelle et colorée du costume scénique, empreint des influences à la fois russes, grecques, persanes ou indiennes, qui avaient fait son succès dans les ballets Schéhérazade ou Le Dieu bleu.
Le projet de décor ici présenté est significatif du nouveau souffle qu’insuffla Léon Bakst au décor théâtral, cherchant à transposer visuellement la trame musicale. « C’est par la peinture que le public parisien aima d’abord les Ballets Russes », écrivit le danseur et chorégraphe Serge Lifar. Bakst introduisit des couleurs franches jusque là inconnues, qu’il arrangeait sur scène en larges coupons de tissus aux couleurs profondes. Composant ici une œuvre presque abstraite, les larges traits de l’orange vif côtoient des arabesques bleu électrique, sur un fond moucheté de vert d’eau, de jaune, et de gris colorés. L’œuvre s’inscrit pleinement dans le travail d’un homme qui chercha à transmettre au public le sens contenu dans la variété des couleurs, qui « quelquefois expriment la franchise et la chasteté, quelquefois la sensualité, voire la bestialité, quelquefois la fierté, quelquefois le désespoir. »
Provenance
• Collection de Mme Hilster, nièce de Léon Bakst.
• Paris, Collection Gilberte Cournand.Expositions
Bibliographie
• Figure in H. RISCHBIETER, W. STORCH, « Bühne und Bildende Kunst im XX Jahrundert », Velber bei Hannover : Friedrich, 1968, cat. des oeuvres, p. 278
• D. CARSON, « Bakst », Paris : Flammarion, 1977
• S. LIFAR, « Histoire des Ballets Russes », Paris : Nagel, 1950
Expositions
• College of Art, Edimbourg, n° 173 ; London, Forbes House, n° 189, 1954 – 1955. Catalogue : BUCKEL, Te Diaghilev Exhibition, London : Te Observer, 1954
• Musée d’art moderne et contemporain, Strasbourg, 15 mai – 15 septembre 1969. Catalogue : V. BEYER, Les ballets russes de Serge de Diaghilev, 1909-1929, Strasbourg, 1969, p. 73, n° 85.
• Centre culturel du Marais, 29 Novembre 1977 – 17 Mars 1978. Catalogue : J. et M. GUILLAD, 1909-1929 : les Ballets russes de Diaghilev, Paris : Le Centre, 1978.
• Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, 14 octobre – 30 novembre 1980. Catalogue : Igor Stravinsky, La carrière européenne, Paris : 1980, p. 24, n° 51.
• Musée d’Orsay, 27 octobre 1987 – 24 janvier 1988. Catalogue : RMN, 1913, Le théâtre des Champs Elysées, Paris : 1987, p. 145, n° 210.