François-Thomas MONDON dit MONDON le Fils (Paris, vers 1709 - 1755)

Projet de frontispice allégorique aux armes de l’Académie

28.5 x 44 cm

Circa 1740.
Sanguine.
Trait d’encadrement à la pierre noire, mise au carreau à la sanguine.

Provenance
· France, collection particulière

Dans son Dictionnaire généalogique, héraldique, chronologique et historique publié à Paris en 1757, François Alexandre Aubert de La Chesnaye-Desbois donne, décrit ainsi le blason de l’« Académie des Peintres » (sic) : « d’azur à trois écussons d’argent posés 2 & 1, à la fleur de lys d’or en cœur » (t. III, p. 128). Gravé sur le sceau de l’Académie dès 1648, ce blason réunissait les armoiries accordées, selon la tradition, à Albrecht Dürer et à toutes les corporations de peintres par l’empereur Maximilien – trois écussons d’argent garnissant leur champ d’azur – et la fleur de lys royale en abîme qui aurait été ajoutée par François Ier . Les trois écussons rappelaient les arts libéraux de la peinture, la sculpture et la gravure, car l’Académie royale d’architecture formait une compagnie tout à fait distincte.

Toutefois, jusqu’au XVIIIe siècle l’Académie utilisait peu son blason, préférant le blason de France pour mieux se démarquer de la corporation parisienne de peintres qui pouvait légitimement prétendre aux armoiries aux trois écussons, la fleur de lys compris . On retrouve cependant le blason « officiel » de l’Académie dans le grand tableau de Henri Testelin représentant Louis XIV protecteur de l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture (Versailles, inv. MV6155) qui ornait la grande salle où les académiciens tenaient leurs assemblées. Il figure le roi assis sur le trône et posant de sa main gauche une couronne de laurier sur la tête d’un jeune enfant personnifiant le génie de l’Académie et qui tient l’écu des armes de l’Académie. Aux pieds du trône sont disposés un globe qui fait voir le signe du Lion qui est celui de Louis XIV, les instruments des arts et une esquisse où la Peinture, sous les traits d’une femme, dessine le portrait du souverain dans un ovale. En 1714, Antoine Coypel s’en inspira pour une vignette gravée par Benoît Audran le Vieux destinée à ouvrir la Description de l’Académie royale des arts, de peinture et de sculpture de Nicolas Guérin parue l’année suivante. La Peinture est remplacée par l’allégorie de l’Académie qui appuie la main droite sur le portrait ovale de Louis XIV. Elle est entourée d’une palette avec des pinceaux, d’un buste de Minerve et d’une feuille déroulée aux armes de l’Académie.
Avec son esthétique typique du rocaille épanoui des années 1730, notre dessin reprend et étoffe le même thème en célébrant l’Académie à travers la représentation allégorique. Le blason aux trois écussons orne le cartouche adossé à une construction pyramidale au centre de la feuille. Il est soutenu par un génie ailé, tandis qu’un autre, une palette à la main, pointe son index vers les armoiries. Au-dessous est fixé un autre cartouche, vide celui-ci et destiné vraisemblablement à accueillir une inscription que désigne la Peinture reconnaissable à ses attributs : palette, pinceaux et repose-poignet. En bas, entre les volutes et les coquilles du grand cartouche, un lion se tapit. De part et d’autre du monument, dans ce qui s’avère une fabrique de parc à la française, sont disposés des ouvrages, des gravures, des sculptures célèbres dont l’Hercule Farnèse et le Torse du Belvédère, une Vénus Médicis aux cheveux épars, des vases, des bustes, des chapiteaux, un tableau ovale montrant Apollon avec sa lyre, des rouleaux de papier et des instruments de géométrie nécessaires à la construction de perspective, à savoir des compas de proportion et des équerres. On y découvre également des putti dessinant. L’ensemble est mis au carreau pour faciliter le transfert : il s’agit sans doute d’un projet de gravure et, plus exactement, d’un frontispice ou d’un en-tête, le cartouche vide attendant de recevoir sa légende en contrepartie. L’œuvre préparée par notre sanguine reste à découvrir, mais il pouvait s’agir soit d’une commande de l’Académie, soit d’une composition suffisamment ambitieuse pour apporter à son auteur l’agrément de la compagnie.

Le style de notre dessin qui tient des compositions d’ornements de François Boucher et plus sûrement encore de l’art de Jacques de Lajoue, est caractéristique de l’un des ornemanistes les plus originaux du XVIIIe siècle français, François-Thomas Mondon. Plusieurs éléments de sa manière s’y affirment avec force, telles que l’inventivité et le spectaculaire des formes, la composition à plusieurs plans chargée et dense, la profusion décorative, la ligne saccadée et vibrante ou l’attention minutieuse portée aux figures bien plus présentes que chez les autres ornemanistes rocaille comme Meissonnier, Babel ou Peyrotte.

Fils de Pasquier Mondon, orfèvre-ciseleur parisien, François-Thomas Mondon fut graveur, dessinateur et fournisseur de modèles pour l’orfèvrerie . Il est parfaitement représentatif de cette union entre arts décoratifs et dessin qui s’opère à l’époque du rocaille français. Mondon reste cependant un artiste rare et sa carrière n’est documentée avec précision qu’entre 1736 et 1740, époque à laquelle la protection du duc de Châtillon, gouverneur du Dauphin, à qui il dédia plusieurs de ses suites gravées, lui valut le titre de « dessinateur des Menus plaisirs du Roy ». L’artiste participa à la publication de plusieurs recueils de décors, de « formes rocailles », de trophées, « cartels » et cartouches et donna le dessin de plusieurs frontispices, dont celui du Nouveau livre d’Ecriture d’après les meilleues (sic) exemples du maître calligraphe Louis Rossignol.

On retrouve, dans plusieurs de ses compositions notamment gravées par François-Antoine Aveline, les mêmes éléments d’architecture que dans notre sanguine, les mêmes cartouches tout en courbes et contre-courbes, les mêmes putti aux visages malicieux et gestuelle un peu naïve, la même minutie de graveur dans le rendu des détails et de la végétation, et même, dans le Livre de Trophée de 1736, un lion très semblable sous le cartouche aux armes de Savoie (pl. 1) et l’Hercule Farnèse (pl. 2). Avec L’Heure du Midi entré récemment au Musée Cognacq-Jay, notre feuille est le deuxième grand dessin à la sanguine connu de Mondon qui se révèle un artiste raffiné et merveilleusement imaginatif.

A.Z.

Bibliographie générale (œuvre inédite)
Marianne Roland Michel, « François-Thomas Mondon, artiste “rocaille” méconnu », Bulletin de la Société d’Histoire de l’Art français, année 1978, Paris, 1981, p. 150-1558.

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