Crayon noir et aquarelle. Signé et daté 1817 en bas à droite.
Au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, les voyageurs du Grand Tour rapportaient de leur périple l’image d’une Rome majestueuse, bâtie par les fastes antiques, telle que la présentaient les Vedute de Piranèse ou de Giuseppe Vasi. Au début du siècle suivant, la découverte de l’Italie n’est plus l’exclusivité de quelques nobles français ou Lords anglais : c’est la naissance du tourisme. Ce développement s’accompagne d’un nouveau besoin d’images, que les voyageurs rapporteront en souvenir. Bartolomeo Pinelli fut l’un des artistes qui surent répondre à cette demande, substituant à la magnificence de l’architecture antique des scènes tirées d’un quotidien qui semble, lui non plus, n’avoir guère évolué depuis le temps de César.
Pinelli avait étudié à Rome à l’Académie de Saint-Luc. Retiré avec sa famille à Bologne, il y remporta à l’âge de quinze ans le Grand Prix de l’Académie. De retour dans la ville éternelle, il abandonna rapidement le cursus académique pour se consacrer aux vues pittoresques qui assuraient sa subsistance, et lui taillèrent une solide réputation. « Hommes, femmes, enfants, tout ce qui passait devant lui, il le croquait, il en reproduisait les lignes et le côté pittoresque. Il s’arrêtait d’ordinaire à ces premiers linéaments, à ce premier jet de l’imitation ; mais la vigueur et la netteté de sa touche étaient incomparables » rapporte le Magasin pittoresque dans une notice consacrée à l’artiste, en 1846.
Pinelli publia en 1809 un premier recueil à l’eau-forte de Costumi pittoreschi, suivi l’année suivante de Motivi pittoreschi i costumi di Roma. Il y dévoile une Rome emplie de poésie, croquée dans la simplicité des coins de rues, sur le pas des portes ou les marches des fontaines. La vie familiale y occupe une place de choix, comme l’illustre notre dessin. Dans une verve pleine de fraîcheur, Pinelli représente ici une jeune famille. Assise au pied d’un arbre, une femme au profil de statue antique tient sur ses genoux son petit garçon. Ce-dernier tend les bras vers son père, allongé à côté, une main sous le menton. Pinelli situe ses modèles dans une campagne esquissée par quelques traits de crayon. Selon son habitude, l’aquarelle s’est concentrée sur les personnages : rouge, bleu, vert et brun animent leurs vêtements traditionnels. On retrouve une manière similaire de composer la scène chez les Paysannes de Frascati dont l’une allaite un enfant (Chantilly, Musée des Beaux-arts, 1820) ; la jeune femme debout y a un profil semblable à celui de notre jeune mère.
Une phrase du Magasin pittoresque résume l’essence de notre dessin, caractéristique de l’œuvre de Pinelli : « Ce qui le mit tout-à-fait hors de ligne et lui fit une réputation à lui, dans un genre nouveau quoique les modèles s’en trouvassent sous les yeux de tout le monde, ce furent ces costumes et ses scènes des habitants de la campagne et des faubourgs de Rome. Rien de plus vrai, de plus énergique et de plus vivant que ces Trasteverini, que ces Ciociare, que ses paysannes d’Anagni, de Monte-Circeo, de Spoleto… »
Provenance :
France, collection particulière
Bibliographie :
O. BONFAIT (dir.), Le peuple de Rome. Représentations et imaginaire de Napoléon à l’Unité italienne, catalogue d’exposition, Palais Fesch, Musée des Beaux-arts d’Ajaccio, Montreuil : Gourcuff Gradenigo, 2013
E. CHARTON (dir.), Le Magasin Pittoresque, Paris, 1846, pp. 289 et sq.