Plume et encre brune. Annoté « Guerchin » en bas à gauche. Porte le numéro 59 à la plume en bas à droite.
La légende se plut à faire de Guerchin un autodidacte. Il travailla en effet ardemment par lui-même, mais avait commencé très jeune son apprentissage, dans sa ville natale de Cento, puis à Bologne auprès de Cremonini et de Benedetto Gennari l’Ancien. Entré chez ce dernier à seize ans, il aurait hérité de son atelier à dix-neuf ans. C’est cependant sous l’égide des Carrache, et particulièrement de Ludovico, que se construisit le style du maître. Il copia très jeune sa Madone à l’Enfant, retable réalisé au couvent des Capucins de Cento en 1591. Il adopta également le mode de travail de l’Académie fondée en 1585 par les Carrache : pour contrer un maniérisme accusé d’artificiel, ceux qui renouvelèrent la peinture bolonaise prônaient un retour à la nature, accompagné d’études assidues sur le motif.
Actif à Cento, Guerchin fut appelé en 1617 ou 1618 à Bologne, où il travailla pour le Cardinal Ludovisi. C’est à l’instigation de ce dernier, devenu pape sous le nom de Grégoire V, que l’artiste se détacha de ses nombreux chantiers dans la plaine du Pô, et prit en 1621 le chemin de Rome. Il passa dans la capitale des Arts deux années prolifiques, séjour interrompu par la mort brutale du souverain pontife. De retour dans sa région natale, sa renommée ne pâlit pas ; ses talents étaient disputés par Urbain VIII Barberini, la famille Colonna, mais aussi à l’étranger par Marie de Médicis et Mazarin, ou encore Charles Ier d’Angleterre.
Le dessin est le premier moyen d’étude du Guerchin, chez qui l’idée est immédiatement liée à la main. Il fut peut-être le dessinateur le plus prolifique du XVIIe siècle italien, et son œuvre fut toujours fort recherché. Si la plupart de ses feuilles sont des études en vue de tableaux, il produisit également des dessins ‘autonomes’, selon une pratique alors innovante. Sa main s’exerça également dans de savoureuses et vivantes caricatures.
Le Guerchin témoigne dans notre Tête de vieillard de sa virtuosité de dessinateur à la plume et encre brune, son médium favori qu’il utilisait classiquement sur papier vergé. La calligraphie serrée s’éloigne de sa première manière, plus foisonnante, aux extrémités tournoyantes. Le tracé régulier, parallèle, cisèle les traits principaux du visage, le nez accusé, la chevelure bouclée et la barbe légère. Point de lavis pour créer la lumière, ni même du pointillé classiquement employé pour adoucir les chairs. L’artiste manie toutefois subtilement l’éclairage : le trait de plume s’entrecroise et s’intensifie pour suggérer l’ombre, répondant à la réserve sur un fond absent.
Le motif du visage d’homme âgé traverse l’œuvre du Guerchin. On pourrait ainsi confronter notre œuvre aux portraits des évangélistes, gravés par Pasqualini en 1618 – 1619. La figure de Saint Pierre, aux Musée des Offices, présente le même type de visage, au modelé linéaire et équilibré. Le Saint Joseph de l’Enfant Jésus tenant un oiseau et Saint Joseph (collection Suida-Manning) offre là encore une illustration de la qualité de l’œuvre graphique du travailleur infatigable et talentueux que fut cet artiste.
Nous remercions Monsieur Nicholas Turner d’avoir bien voulu confirmer l’authenticité de notre dessin après examen.
Provenance :
Collection Pierre Crozat avec le n°59 apposé par Mariette lors de la vente de 1741
Vente Hôtel Drouot, 15 mai 1963, n° 72
Collection particulière
Bibliographie
J. BROOKS, N. E. SILVER, Guercino : Mind to Paper, catalogue d’exposition, Los Angeles : J.P. Getty Museum, 2006
D. M. STONE, Guercino : Master draftsman, catalogue d’exposition, Cambridge, Bologne : Harvard University Art Museums, Nuova Alfa Editoriale, 1991