27,5 x 35 cm
Circa 1890.
Fusain sur papier chamois.
Monogrammé en bas à droite.
Provenance
· Collection Paul Cassirer, Allemagne.
Peintre et sculpteur réaliste, Constantin Meunier fut l’un des plus éminents représentants de l’art social belge à la fin du XIXe siècle. Son frère Jean-Baptiste avait été élève en gravure chez Luigi Calamatta, et exerça une forte influence sur l’art de son cadet. En parallèle de sa formation à l’Académie de Bruxelles avec Louis Jehotte comme professeur de sculpture, Constantin Meunier suivit l’enseignement du sculpteur Charles-Auguste Fraikin. Il exposa pour la première fois au Salon de Bruxelles de 1851. C’est lors de ce Salon qu’il découvrit Les Casseurs de pierre de Gustave Courbet et son réalisme qui devaient marquer profondément son oeuvre.
Jusqu’en 1884, l’artiste se consacra uniquement à la peinture, réalisant des tableaux de genre et d’histoire, ainsi que de nombreuses compositions religieuses, inspirées de ses retraites chez les Trappistes de Westmalle. En 1878, le fils de son ami Charles De Groux l’invita à Herstal près de Liège, région célèbre pour ses armureries. Mais la véritable rencontre de Meunier avec le monde industriel eut lieu en 1880 lorsque Camille Lemonnier entreprit une étude encyclopédique de la région du Borinage, pays minier du Hainaut, et l’invita à se joindre à lui.
Ce fut l’occasion d’un tournant artistique majeur, une seconde carrière pour Meunier, qui se découvrit également une passion pour la sculpture et la fonte de bronze qui lui semblait se rapprocher davantage du travail des ouvriers. Profondément marqué par leur condition, il s’attacha dès lors à retranscrire les aspects sociaux et industriels de la Belgique, dans une réalité sans fards ni concessions, à commencer par les illustrations de l’ouvrage de Lemonnier, La Belgique. L’artiste devint également militant au Parti ouvrier belge.
S’il se consacrait désormais essentiellement à la sculpture, Meunier ne cessa jamais de peindre ni de dessiner, multipliant les croquis d’après nature et des esquisses. Dès 1881-1882, il exposa au Cercle Artistique de Bruxelles une série de dessins et de tableaux réalisés pendant un séjour d’un mois au pays de Liège sous le titre Voyage au pays de l’Industrie. Plus tard, il consacra plusieurs grandes toiles au Borinage et aux corons, chacune préparée par de nombreuses études.
Qu’elles mettent en scène un personnage unique, où, comme dans notre feuille, un groupe d’ouvriers au travail, les oeuvres graphiques de Meunier frappent toujours par leur réalisme détaché, la grandeur héroïque de ses protagonistes face à la dureté du travail, la vérité de leurs gestes et de leurs corps. L’artiste affectionnait le fusain, avec son trait gras et noir, et son lien intrinsèque avec le feu des fourneaux et les mines. Les traits se font incisifs et réguliers, soulignant les mouvements aussi puissants que répétitifs. Les visages des ouvriers ne sont pas individualisés, mais se ressemblent au contraire : c’est une chorale, une machine humaine dans laquelle chacun a une place et une action précises.
Certains des études graphiques de Meunier furent plus tard transposées en bronze. Notre dessin rappelle ainsi le haut-relief présenté au Salon de 1894 et plus tard intégré au Monument au travail sous le titre L’Industrie. Le critique Gustave Geffroy le décrivit comme « un résumé des êtres, des actes, des expressions que l’artiste de Louvain offre à nos réflexions depuis plusieurs oeuvres […], une oeuvre forte et belle, prise directement au réel » (La Vie artistique, t. IV).
A.Z.
Bibliographie générale (oeuvre inédite)
Marguerite DEVIGNE, Constantin Meunier. Les grands Belges, Turnhout, 1919.
Gustave VANZYPE, « Constantin Meunier, une oeuvre d’exception ? », Bulletin de la Classe des Beaux-Arts de l’Académie royale de Belgique, 1931, 5ème série, t. 13, p. 59-72.
Micheline JÉRÔME-SCHOTSMANS, Constantin Meunier, sa vie, son oeuvre, Waterloo, Olivier Bertrand Éditions et Belgian Art Research Institute, 2012.
Francesca VANDEPITTE, Constantin Meunier, cat. exp. Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, 2014.