55 x 46 cm
Circa 1710-1715.
Pastel sur papier marouflé sur toile
Provenance
• Pierre Rivalz, chevalier (1718-1785) en 1754.
• France, collection particulière.
Exposition
1754, Salon de Toulouse, no 74.
Baptisé à Toulouse en 1667, Antoine Rivalz débuta son apprentissage dans l’atelier de son père, Jean-Pierre Rivalz, architecte et peintre de l’hôtel de ville de Toulouse. Il y fit deux rencontres importantes : le sculpteur Marc Arcis et le dessinateur Raymond Lafage, déjà célèbre, dont il devint l’élève, avant de partir parfaire sa formation à Paris, puis à Rome où il demeura plus de dix ans. Ce long contact avec les traditions italiennes fut, pour Rivalz, le temps de la maturation et des premières commandes importantes, certaines venues de sa Toulouse natale préparant son retour.
Dès 1703, Rivalz put ainsi succéder à son père comme peintre de l’hôtel de ville de Toulouse, charge qu’il assuma jusqu’à sa mort en 1735. Essentielle au gouvernement de la ville et à l’image des élites urbaines, cette fonction supposait la réalisation annuelle des portraits des Capitouls et l’exécution des commandes publiques les plus variées : tableaux commémoratifs, peintures de documents et d’armoiries, projets d’architecture éphémère, voire la restauration d’œuvres. Faiblement rémunérée – 400 livres par an seulement –, la charge de peintre de la ville permit à Rivalz de nouer de fructueuses relations avec le patriciat toulousain et de bénéficier d’un quasi-monopole des commandes publiques, religieuses et privées à Toulouse, imposant son style personnel et brillant. Il disposait, au Capitole, d’un vaste atelier où affluaient de nombreux élèves, dont Subleyras, son disciple préféré.
En 1726, au faîte de sa carrière, Rivalz réussit à obtenir des Capitouls la création d’une école de dessin, devenue en 1750, par lettres patentes de Louis XV, Académie royale de Peinture, Sculpture et Architecture de Toulouse, la seule après celle de Paris qui devait jamais porter ce titre. À l’occasion de sa première exposition présidée par le buste de Rivalz par Jean-Baptiste Péru à partir de l’autoportrait de l’artiste , un hommage particulier fut rendu à l’illustre peintre, avec vingt-deux tableaux et dessins prêtés par son fils Pierre dit le chevalier Rivalz et divers collectionneurs. Il ne se passa pas d’année, jusqu’en 1791, sans que ses œuvres ne soient présentées, dont trois de ses autoportraits prêtés par le chevalier Rivalz : celui qui avait inspiré Péru en 1751 (Pierre Rivalz le légua à l’Académie de Toulouse en 1783), tardif où l’artiste marqué par l’âge tient le tableau ovale de son épouse en 1762 (collection particulière) et « Portrait au Pastel d’Antoine Rivals, peint par lui-même » en 1754 sous le numéro 74.
Un deuxième « Portrait au pastel » – sans aucune autre indication – portant le numéro 76 à l’exposition de 1754 pourrait être celui de Louise Rivalz, exposé en 1773 (no 112). Réapparu récemment sur le marché, à moins qu’il ne s’agisse d’une très belle copie, il fut acquis par le musée Paul-Dupuy de Toulouse et constituait jusqu’alors l’unique pastel dans le vaste œuvre d’Antoine Rivalz. Quant à l’autoportrait, les chercheurs s’étaient accordés pour en reconnaître la copie dans un pastel médiocre conservé dans une collection toulousaine.
La redécouverte de notre œuvre non seulement confirme cette hypothèse, mais permet aussi de se pencher sur la technique très particulière du pastel chez Rivalz. Dessinateur remarquable – on devine le trait sous-jacent solide et sûr à la pierre noire de chaque portrait –, il manie le pastel comme un peintre, sculptant les formes par aplats larges à l’instar de ses portraits à l’huile. Plus tendre dans le portrait de Louise Rivalz, plus appuyé dans sa propre image, il s’occupe surtout à rendre les reflets de lumière sur la peau et les habits qu’il transforme en voluptueux drapés à peine identifiables. Pour Louise, c’est une cape noire qui contraste avantageusement avec la clarté de ses carnations. Pour l’artiste lui-même, c’est un manteau d’un rouge chaud et puissant, le rouge des habits des Capitouls de Toulouse et le rouge de Rivalz, présent dans quasiment tous ses tableaux.
Les pastels ne sont pas datés, mais au vu des autres représentations d’Antoine Rivalz et de sa femme, il faut en situer la réalisation vers 1710-1715. De fait, les visages des deux époux ont perdu cette fraicheur juvénile qui caractérise le double portrait peint par Jean-Pierre Rivalz vers 1703, année du mariage d’Antoine avec sa cousine Louise Rivalz. La quarantaine resplendissante, l’artiste, dans notre pastel, paraît tel que dans l’Autoportrait avec le dessin de Saint Michel qui doit également dater des années 1710-1715 environ et non de 1726 comme on le pense abusivement : cette dernière date est celle de la gravure tirée par Barthélemy Rivalz, mais ne peut être celle du tableau car le peintre avait alors cinquante-neuf ans. Louise également, dans son portrait au pastel, avec son visage plein et ses cheveux bruns paraît loin du tableau que tient son époux dans son dernier Autoportrait.
La tentation est forte de voir dans les deux pastels des pendants. La technique, la présentation, l’échelle et la provenance identiques ne s’y opposent guère. L’image de Louise est ouverte, alors que celle de Rivalz lui-même est intériorisée et puissante. Pas celle d’un époux dévoué comme dans son Autoportrait tardif, mais celle d’un grand artiste conscient de son talent, de sa position et de son importance.