Pastel sur vélin marouflé sur carton
Bien qu’Antoine Berjon soit généralement reconnu pour la peinture de fleurs dans laquelle il excella, on connaît de lui un plus rare mais remarquable travail de portraitiste (voir également notre Portrait d’homme). On y perçoit l’œuvre d’un homme exigeant, soucieux de transcrire ses observations avec nuance et expressivité. Les portraits de Berjon sont variés, le dessin est précis, les physionomies très personnelles. Etudiant un temps à Paris, Berjon bénéficia des conseils du miniaturiste Jean-Baptiste Augustin. Il exposa régulièrement au Salon, fréquenta et dessina le milieu révolutionnaire. A Lyon, qu’il regagna en 1810, le peintre des soieries portraitura également la bourgeoisie locale.
Evoquant Narcisse découvrant son reflet dans l’eau, Alberti (De Pictura) rattache l’exercice de l’autoportrait à l’origine même de la peinture. Pratiqué par Rembrandt ou Poussin, ce travail traduit la recherche de l’artiste sur la figure humaine, et nous laisse entrevoir sa personnalité. S’inscrivant dans cette tradition, Berjon a réalisé plusieurs autoportraits – des dessins ou des pastels (Musée d’Art et d’Industrie de Saint-Etienne, Musées de Lyon) ; le plus tardif d’entre eux (Musée des Beaux-Arts de Lyon) présente l’artiste à soixante-cinq ans.
Portant un catogan d’influence Louis XVI, Berjon se représente ici en redingote et sans perruque, les cheveux au naturel. Cette mode vestimentaire révolutionnaire situe notre œuvre dans les années 1790. L’artiste utilise le pastel, médium difficile à maîtriser dont il tire habilement parti. Le velouté de la matière, la finesse du grain, attestent de la qualité technique de l’œuvre.
Berjon traite avec assurance les reflets bleutés de l’habit et la légèreté du col. Le regard expressif et presque inquiet, les pommettes colorées et les lèvres charnues confèrent au personnage une présence tangible – celle d’un homme décidé, qui dut à son tempérament tourmenté des rapports humains parfois houleux. La lumière accentue la transparence des chairs et structure la chevelure peu disciplinée.
Il est intéressant de confronter notre œuvre à l’autoportrait dont elle est une réplique autographe (Musée des Beaux-Arts de Lyon). Egalement au pastel, de dimensions proches (66 x 50 cm) et de format ovale, elle présente une construction similaire ; des nuances dans l’expression du regard, dans la chevelure – ici plus souple – permettent de distinguer les deux œuvres.
Provenance
• France, Collection particulière
Bibliographie
• « Le temps de la peinture ». Lyon 1800 – 1914, cat. d’exposition du Musée des Beaux-Arts, Lyon : Fage, 2007
• « Antoine Berjon », cat. d’exposition, Lyon : Musée des Beaux-Arts, 1983, voir pour comparaison Autoportrait, reproduit pp. 36 – 37
• « Dessins du XVIe au XIXe », cat. d’exposition, Lyon : Musée des Arts Décoratifs, 1985