Pastel sur toile
Fils d’un historien de l’art et neveu du ‘philosophe païen’ Louis Ménard, Emile‑René Ménard fut baigné dès l’enfance dans un milieu artistique entouré de Millet, Corot et d’autres grands peintres de Barbizon. Il débuta à Paris au Salon des Artistes Français en 1883 et fit partie de la Société Nationale des Beaux‑Arts.
Ménard bénéficia de plusieurs expositions personnelles, en particulier à la Galerie Georges Petit (1914, 1925, 1928) et participa au Salon de la Société des Beaux‑Arts en 1904.
L’artiste se fit remarquer par des paysages d’une facture très personnelle, tant par leur dessin que leur coloration chaude et dorée. Ses voyages en Italie, en Grèce et en Afrique du Nord lui fournirent un répertoire de visions qu’il transcende par un travail parfois intime (pastels) parfois plus monumental, alliant idéalisme et recherche de la lumière et pratiquant le décor avec un réel succès.
Inspiré du « Jugement de Pâris » exposé au Salon de 1898 par l’artiste, notre beau pastel ne retient du sujet que les protagonistes principaux : Vénus et Pâris.
Ménard réalisa plusieurs versions de ce sujet : l’un à l’huile sur toile présenté au Salon de 1907 est conservé aujourd’hui au Musée du Petit Palais à Paris ; l’autre au pastel est conservée au Musée d’Orsay. Une troisième variante au pastel a été présenté par la Galerie Boquet-Marty de Cambiaire en mars 2011 (n° 19 du catalogue « Dessin français du XVIe et XXe siècle »). Notre pastel exécuté sur toile est donc la quatrième version inédite. Il se démarque par l’utilisation d’une technique originale du pastel dont la matière grattée en réserve laisse deviner le fond de la toile préparée, renforçant ainsi l’impression vaporeuse de la scène.
Imprégné de culture classique, Ménard effectua un voyage autour de la Méditerranée et visita les sites greco‑romains dont il exécuta de nombreux dessins. En quête d’harmonie entre l’homme et la nature, l’artiste recherche la beauté idéale dans un monde intemporel en laissant la déesse et le berger dans un face‑a‑face silencieux.
Comme l’exprime parfaitement Jean‑David Jumeau‑Lafond dans le catalogue de l’exposition « Les peintres de l’âme » en citant Gustave Soulier (« l’Art et la Vie », 1894) : « On trouve chez Ménard des visions de nature pacifiée, baignée d’aube ou de crépuscule, où l’âme semble se retremper dans la candeur des aurores, et aspirer l’onction biblique qui découle des soirs d’or ».
De retour à Paris, l’artiste va perpétuer un symbolisme poétique et pastoral qui n’est pas sans rappeler l’univers de Puvis de Chavannes.
Bibliographie :
• J.-D. JUMEAU-LAFOND, « Les peintres de l’âme,
le Symbolisme idéalisme en France », SDZ Pandora, 1999, p. 100‑104.
• A.MICHEL, « Peintures et pastels de Pierre Ménard », Librairie Armand Colin, Paris, 1923
• C.GUILLOT, « La quête de l’Antiquité dans l’œuvre d’Emile‑Rene Ménard », Bulletin de la Société d’Histoire de l’Art français, 1999, p.331
• « Le mystère et l’éclat, pastels du Musée d’Orsay », catalogue de l’exposition, octobre 2008-février 2009.
Voir pour comparaison « Le Jugement de Pâris » (pastel sur papier marouflé sur toile, 42 x 72 cm)
• A.SEGARD, « La peinture au Salon de 1907 », l’Art décoratif, n°106, p.13-14
• V.CHUIMER, « René Ménard ou la mélancolie d’automne et de ruines », Gazette de l’Hôtel Drouot, n°43, 29 novembre 2002