Pastel ovale sur papier marouflé sur toile.
Le jeune Joseph Ducreux apprit la peinture auprès de son père Charles, qui occupait à Nancy la charge de premier peintre du duc de Lorraine Stanislaw Leszczynski. Son apprentissage se poursuivit à partir de 1760 auprès de Maurice-Quentin de La Tour, dont il aurait été le seul élève. Ducreux devait rapidement acquérir une maîtrise du pastel proche de celle de son maître, et qui jusqu’à sa mort ne connaîtra plus d’évolution notoire. L’artiste s’initia également à la peinture à l’huile auprès de son ami Greuze, et fut reçu en 1764 à l’Académie de Saint Luc.
En 1767, à la demande du duc de Choiseul, Ducreux partit pour Vienne afin de réaliser le portrait officiel de la future reine de France Marie-Antoinette. Il y demeura deux ans, portraitura l’entourage de la famille impériale et devint membre de l’Académie Viennoise. A son retour en France, « premier peintre de la reine » très apprécié par la critique, Ducreux bénéficia d’abondantes commandes. Ses trois tentatives d’intégrer l’Académie Royale se soldèrent toutefois par des échecs. Désormais hostile au système académique, il exposa à plusieurs reprises au Salon de la Correspondance au cours des années 1780.
La Révolution fut un tournant difficile pour la carrière de Joseph Ducreux. Il se plaint du manque de commandes, et c’est probablement pour élargir et renouveler sa clientèle qu’il passa quelques mois à Londres. De retour à Paris, protégé par l’amitié qu’il a noué avec David, Ducreux exposa au Salon ouvert à tous de 1791. Au cours des années qui suivirent, il présenta les portraits des grandes figures politiques d’alors – Robespierre, Saint-Just… – et réalisa une série de portraits de conventionnels dans laquelle le nôtre s’inscrit.
Les qualités d’exécution de notre œuvre sont au service d’une personnalité finement représentée. Ducreux s’intéressait aux recherches sur la physionomie, et désirait rendre l’expression de ses modèles dans leur vérité, sans concessions. Comme à son habitude, l’absence d’attributs et l’inscription du personnage sur un fond neutre sont au service de son expressivité, et ici d’une grande douceur.
Le visage de notre jeune conventionnel est encadré d’une perruque poudrée qui a blanchi le col de l’habit, et d’un foulard aux plis soulignés de beaux rehauts de blanc. On retrouve le métier ordinaire de Ducreux, qui aimait juxtaposer des zones à la matérialité apparente – le visage, les cheveux et le foulard –, et des aplats plus lisses – l’habit. La critique reprocha parfois à l’artiste la réduction d’une palette où prédominent les frottis d’ocre et de brun sur fond de craie blanche. On apprécie d’autant plus ici la fraîcheur des couleurs, la qualité et les nuances du bleu profond de l’habit de Monsieur Monjean animant le camaïeu gris du tableau.
Ducreux avait établi lui-même une liste de ses œuvres, mais de manière inégale et souvent approximative. Les portraits de conventionnels aujourd’hui identifiés permettent de situer notre œuvre par comparaison à la fin des années 1790. Elle est proche du portrait d’Etienne-Nicolas Méhul, dessiné par Ducreux en 1796. Grand ami de l’artiste, ce musicien compositeur s’était amusé à singer le légendaire mauvais caractère du peintre dans son opéra Irato. Il était l’un des habitués du Salon de la famille Ducreux, où sa femme et sa fille recevaient également La Harpe, Piccinni, Mme Récamier ou encore la jeune Joséphine de Beauharnais.