40,3 x 32,3 cm
Pastel sur papier marouflé sur toile
Provenance :
• France, collection particulière.
François Boucher débute son apprentissage auprès de son père Nicolas Boucher (1671-1743), maître peintre et dessinateur de l’Académie de Saint-Luc. À 18 ans, il rejoint l’atelier du célèbre François Lemoyne (1688-1737) grâce auquel l’artiste lance véritablement sa carrière. Après un passage en Italie logé à l’Académie de France où il étudie d’après l’antique, Boucher rentre à Paris et rejoint en 1734 l’Académie royale en tant que peintre d’histoire.
Très apprécié de son vivant, l’artiste reçut tous les honneurs qu’un peintre de sa génération pouvait espérer. Sa carrière brillante sera récompensée par de nombreux titres dont celui de professeur, directeur de l’Académie royale et premier peintre du roi. Jusque dans les années 1760, l’artiste répond à quelques centaines de commandes de ses prestigieux mécènes dont la marquise de Pompadour et le duc de Chevreuse, ainsi qu’aux manufactures royales de Beauvais et des Gobelins, et enseigne avec enthousiasme sa manière à son atelier.
Dans les années 1765, il produit des portraits de femmes dont les visages sont empreints d’une élégance nouvelle, probablement suite à l’initiative de Caylus, directeur de l’Académie, qui instaure à partir de 1759 un concours de têtes d’expression . Ce renouvellement est notamment reconnaissable par la largeur des fronts des modèles et à leurs grands yeux étirés sous leurs sourcils parfaitement arqués. Privilégiant de séduire l’œil avant l’esprit, il inaugure un canon de beauté présentant des portraits de femmes d’une sensualité sans précédent, que ses élèves se plaisent à suivre assidument.
La représentation de cette jeune femme de trois quarts, la tête délicatement tournée vers la gauche, semble avoir été prise sur le vif, comme interpellée par l’intervention de l’artiste. Vêtue d’une robe de soie rouge dont on aperçoit un travail de mousseline blanche au niveau de la poitrine ainsi qu’à l’extrémité des manches, le modèle est coiffé et maquillé à la mode de la seconde moitié du XVIIIe siècle : quelques fleurs sont retenues dans ses cheveux sous un fichu de soie noire et deux mouches font ressortir son teint blanchi par une utilisation généreuse de poudre.
Boucher transmet à son atelier l’intérêt pour le rendu des détails, notamment dans les éléments accessoires, qui tendent à faire disparaître l’identité du modèle au profit d’une idée ou d’un symbole, dont notre œuvre en serait vraisemblablement un exemple. La tête de la jeune femme est coiffée d’un fichu protégeant la tête du froid, accessoire devenu progressivement à la mode, que l’on trouve régulièrement dans les portraits féminins au cours XVIIIe siècle. À cela s’ajoute la présence d’un manchon de velours bleu bordé de fourrure dans lequel sont cachées les mains du modèle, élément de mode très en vogue au cours du siècle : Drouais présente en 1763 un portrait de la marquise de Pompadour en intérieur, portant un manchon de fourrure blanche (Orléans, musée des beaux-arts, inv. n°385).
Notre œuvre s’apparente à une allégorie de l’Hiver, probablement réalisée à la suite d’une série de portraits de femmes de la main du maître, reprise par son atelier, représentant les quatre saisons. Les sujets allégoriques ne sont pas rares dans l’œuvre de Boucher et furent largement copiés et gravés tels que Le Matin ou encore l’Hiver (ill. 1) œuvre dans laquelle la figure féminine est tout à fait proche de la nôtre dans l’attitude et dans les accessoires. Les allégories traduites par des portraits de femme sont très en vogue tout au long du siècle (ill. 2). Le pastel de Charles-Antoine Coypel (1694-1752) titré L’Hiver (ill. 3) se prête ici à la comparaison : iconographiquement très proche de notre œuvre, il présente une jeune femme de trois quarts en buste, le regard tourné vers le spectateur, portant un fichu noir, les mains glissées dans un manchon de fourrure.
François Boucher transmet avec rigueur à ses élèves ses dons dans la pratique du pastel permettant de rendre les effets de matières. Ici, l’estompe apporte du volume aux étoffes de soie de la robe, de la mousseline et du velours du manchon. En tant qu’excellent dessinateur, il enseigne également son ingéniosité et sa virtuosité dans le traitement de la lumière dans laquelle baignent ses sujets. Ici la lumière rend d’une part la grâce et la douceur du modelé du visage et illustre d’autre part la luxueuse qualité de soierie de la robe, sur laquelle la lumière se reflète par un savant jeu de hachures blanches verticales.
Incontestable représentant du portrait français du XVIIIe siècle, François Boucher fut aussi un excellent pastelliste. Il sut gagner l’admiration de ses confrères et de ses prestigieux commanditaires collectionneurs avides de ses figures féminines qu’il place au premier plan de ses œuvres, que son atelier se plaît à reproduire avec une rigueur de composition et une qualité d’exécution suffisante pour se confronter au jugement du maître.
M.O