72 x 58 cm
Vers 1810.
Huile sur toile.
Provenance :
France, collection privée.
Bibliographie :
France Nerlich, directeur de publication, « L’atelier de David. » in Apprendre à Peindre : les ateliers privés à Paris, 1780-1863, actes du colloque, Tours, Université François-Rabelais, 2013.
Formée dès l’âge de 13 ans, la jeune Louise-Adéone Drölling débute sa carrière aux côtés de son père Martin et de son frère aîné, Michel-Martin. Ses premiers essais, conservés dans un carnet (collection particulière) expriment une aisance dans le dessin et un intérêt pour le portrait qu’elle travaille avec rigueur. « Il y a deux figures. C’est une grande entreprise pour moi, je ne sais pas si je réussirai. » L’influence de son père, peintre de genre, la pousse à s’intéresser à la représentation de scènes d’intérieur, comme illustrations de la vie quotidienne.
Notre tableau présente une scène caractéristique du goût français du début du XIXe siècle. Dans un intérieur chaleureux décoré à la mode de l’Empire, éclairé par une douce lumière ensoleillée émanant d’une fenêtre à gauche de la composition, apparaissent deux jeunes femmes. L’une est assise, tenant une pointe et s’exerçant au dessin, l’autre est debout accoudée au dossier de la chaise, et supervise. La jeune femme debout, dont le regard tourné prend le spectateur à témoin, pourrait bien être un portrait de l’artiste elle-même. En effet, certaines œuvres de son père, qui aimait à la prendre pour modèle, nous fournissent l’image d’une jeune femme dont les traits du visage sont très proches de notre modèle.
Il s’agit d’un moment privé : la leçon est un sujet chéri des artistes de la fin du XVIIIe et du XIXe siècle notamment. L’accès à l’Académie étant refusé aux femmes jusqu’en 1791, les grandes villes assistent à l’ouverture d’ateliers de « demoiselles » dont Jean-Baptiste Greuze et Jacques-Louis David en sont les principaux représentants parisiens. Ils permettaient aux artistes femmes, de recevoir ou d’achever leur formation artistique. Progressivement, au cours du XIXe siècle, les femmes ouvrent elles aussi leurs propres ateliers. Louise-Adéone est un excellent exemple de ce modèle de formation : après une carrière brillante reconnue publiquement, l’artiste entreprend à son tour la formation de jeunes peintres. L’autoportrait en atelier est un excellent moyen de s’affirmer, largement utilisé par les artistes femmes comme moyen de reconnaissance.
L’atmosphère intimiste de calme et de concentration est transmise grâce à un traitement délicat des coloris harmonieusement fondus entre le fond sombre d’acajou le drapé de velours vert de la fenêtre enfermant la composition. Les tons chauds du tapis font eux écho aux étoffes des robes dont les couleurs apportent de la lumière à l’ensemble. La touche, lisse et régulière restitue les vibrations de la lumière chaude traversant la pièce, caractéristique des scènes quotidiennes d’intérieur, héritées de l’esprit hollandais du siècle d’or, traduisant la douceur de vivre. Au cours du XIXe siècle, la maîtrise du dessin est un symbole d’éducation et d’une formation bien menée. Grâce à sa formation qui lui assure une culture développée, Louise-Adéone Drölling se place comme une figure majeure de la peinture de genre inspirée par l’époque Empire, dans lesquelles la douceur et la sensibilité des personnages règne.
Issue d’un milieu artistique, Louise-Adéone Drölling eut le privilège de se confronter à l’exercice du dessin dès son plus jeune âge, et de le mettre à profit plus tard en enseignant à son tour ses découvertes. Oubliée des ouvrages de référence, moins connue que son père et frère aîné, la figure de Louise-Adéone Drölling mérite pourtant toute notre attention. Proche de ses contemporaines dans le choix de ses sujets ainsi que dans sa délicate technique, la paternité de ses œuvres a pu être confondue, expliquant un corpus d’œuvres à ce jour très restreint.
M.O.