Huile sur toile.Signé en bas à gauche.
Emile-René Ménard grandit dans une famille d’artistes qui orientèrent sa destinée. Il hérita de son père, historien de l’art et directeur de la Gazette des Arts, une admiration pour l’école de Barbizon. Un oncle, philosophe parnassien proche de Leconte de Lisle, lui transmit son intérêt pour l’Antiquité. Après un temps d’apprentissage chez le décorateur Galand, Ménard se forma auprès de Lehmann, et à l’Académie Julian. Il présenta ses premières œuvres au Salon en 1883, puis rejoignit la Société Nationale des Beaux-Arts où il exposera jusqu’en 1923.
Emile-René Ménard appartint à « la Bande Noire ». Ce petit groupe d’artistes sans véritable unité esthétique fut consacré à l’Exposition Universelle de 1900, et régulièrement accueilli sur les cimaises de la Galerie Georges Petit. A l’opposé de la démarche impressionniste, la Bande Noire qui se revendiquait de Courbet demeurait attachée au classicisme. Ménard y fait figure particulière, indépendante des préoccupations sociales ; il peint dans une gamme plus claire, intérieure. Proche du courant symboliste, l’artiste exposa à la Sécession de Munich, à la Libre Esthétique de Bruxelles, mais aussi à plusieurs reprises aux Etats-Unis. Son travail fut également bien accueilli en France, et l’Etat lui commanda plusieurs décors – à la Sorbonne (1906) ou à la faculté de Droit (1909).
Notre tableau illustre les différentes qualités qui firent la peinture de Ménard. La baigneuse dans un paysage est un thème récurrent dans son œuvre : « Il aima tout de suite ce qu’il devait aimer toujours », écrivait Achille Segard dans le catalogue d’une exposition de l’artiste. Perfectionniste, Ménard s’attela sans cesse aux mêmes motifs, toujours recomposés. Tantôt à l’huile, tantôt au pastel, l’équilibre entre figure et paysage est insatiablement cherché. Dans les deux peintures les plus proches de notre œuvre, la scène semble la même, mais l’harmonie des couleurs varie ; la baigneuse y est une fois vue de dos (Nymphe au crépuscule, collection particulière), une fois entrant dans l’eau (Baigneuse près des arbres, vente Versailles 27 mars 1977).
C’est l’idée d’un monde idéal, presque atemporel, qu’évoque notre tableau dans des tons lumineux que la touche fait vibrer. Ménard y retranscrit à la fois l’influence de Poussin et celle de ses nombreux voyages – en Italie, en Grèce ou au Proche-Orient. On y retrouve son goût pour l’esthétique parnassienne, et la monumentalité qui marqua ses grands décors, dans la lignée de Puvis de Chavannes.
L’artiste ne cherche pas à décrire ; on est à Léoube ou à l’Estagnol (sur la côte d’Azur, près du Lavandou), comme on pourrait être dans un utopique lieu antique, calme et méditatif. L’attitude de la jeune femme le rappelle, qui s’offre à voir mais détourne la tête, inconsciente du regard extérieur. La plume du critique Gustave Soulier, qui préface en 1894 une exposition de Ménard, semble bien résumer notre œuvre : le peintre dévoile ici une de « ces visions de nature pacifiée, baignée d’aube ou de crépuscule, où l’âme semble se retremper dans la candeur des aurores, et aspirer l’onction qui découle des soirs d’or. »