Huile sur panneau préparé
Les débuts de Charles-François Jalabert à Nîmes, sous l’enseignement d’Alexandre Colin (1798 – 1875), avaient été brillants. Son père envoya toutefois le jeune homme à Paris débuter une carrière commerciale. Encouragé par son patron à suivre sa vocation initiale, Jalabert rejoignit l’atelier de Delaroche qui restera son indéfectible protecteur jusqu’à sa mort en 1856. Malgré trois échecs au prix de Rome, l’artiste y séjourna à ses frais à partir de 1843.
Rentré en France en 1847, il présenta au Salon un Virgile qui fut acquis par les Musées Nationaux pour le Luxembourg, et lui permit d’accéder aux commandes officielles. Il peignit également cette année-là des œuvres s’éloignant du grand genre, comme la Belle italienne (Musée Fabre, Montpellier) tirée des croquis rapportés d’Italie, ou encore notre Galatée. L’artiste exposera désormais régulièrement au Salon des sujets historiques et religieux, avant de se consacrer à partir de 1863 au portrait, notamment pour la famille d’Orléans.
Notre œuvre est probablement l’esquisse aboutie d’une Galatée aujourd’hui disparue, mais connue par la gravure qu’en fit Marie-Alexandre Alophe (1812 – 1883). Editée par Goupil, elle fut publiée en 1847 dans la Revue des Arts (épreuve conservée aux Archives de l’Académie de Nîmes). Goupil en réalisa également une photographie (Photothèque Witt, Londres). L’éditeur et imprimeur parisien avait été présenté à Jalabert par Gérôme. Il assura une constante et large diffusion de son œuvre par l’estampe, et une assise financière stable à sa carrière.
Jalabert s’inspire ici d’un vers des Bucoliques de Virgile, inscrit selon Reinaud, le premier biographe du peintre (1903), en bas de la peinture disparue. Lors d’un concours de chant opposant les bergers Ménalque et Damète, ce dernier déclama : « La jeune Galatée, charmante espiègle, me jette une grenade et va se cacher derrière les saules ; mais, tout en se cachant, elle meurt d’envie d’être aperçue. » Quelques quarante ans après Virgile, Ovide développera dans ses Métamorphoses l’histoire de Galatée : éprise du berger Acis, la néréide était aimée du cyclope Polyphème. Ce dernier tua son rival en l’écrasant sous un rocher ; la jeune femme éplorée pria les dieux de changer le sang de son amant en un fleuve ou elle pourrait se baigner tous les jours. Déjà présente sur les murs de Pompéi, l’histoire de Galatée fut remise à l’honneur par les modernes. Louis de Boullogne, par exemple, figura au château de Chantilly une vive illustration du fameux « et fugit ad salices ». Jalabert offre ici une libre interprétation du vers de Virgile, version païenne et poétique de Suzanne et les vieillards. Les deux bergers, dont les têtes surgissent à travers un rideau de roseaux, épient la jeune femme à la peau laiteuse, comme l’évoque son nom. Elle est couchée au bord d’une eau sombre qui peut évoquer ses amours malheureuses.
La beauté des tableaux mythologiques et allégoriques de Jalabert lui vaudra plusieurs commandes pour des hôtels particuliers, telle La Nuit déployant ses ailes (Hôtel Pereire). Ses Nymphes écoutant les chants d’Orphée, exposées au Salon de 1853, livrent à l’instar de notre Galatée une libre inspiration de la mythologie, teintée de romantisme, plus qu’une illustration littérale des faits.
L’œuvre de Jalabert fit écho dans la peinture de son maître : Delaroche retravaillait depuis 1842 un Moïse exposé sur le Nil, tel qu’en attestent les nombreux croquis conservés au Louvre. Il en présenta en 1853 une version définitive très proche du Galatée de son élève.