Huile sur toile
Appartenant à une véritable dynastie d’artistes, Louis de Boullogne fut formé par son père Louis dit l’Ancien, l’un des membres fondateurs de l’Académie Royale de Peinture et Sculpture. Il travailla un temps auprès de son frère aîné Bon, peintre d’histoire renommé. Ses deux sœurs Madeleine et Geneviève devinrent les premières femmes peintres académiciennes.
Doté d’un tempérament doux et affable, Louis de Boullogne gravit avec brio tous les échelons d’une carrière officielle : Grand Prix en 1673, il séjourna quatre ans à Rome. Son style demeura toujours fidèle aux Bolonais – Guido Reni ou Francesco Albani – qu’il découvrit au cours de sa formation italienne, et qui étaient également bien représentés dans les collections royales françaises. Reçu à l’Académie dès son retour en France, il y assuma les charges de professeur puis de recteur avant d’en être nommé directeur en 1722. Dessinateur des médailles de Louis XV, il devint en 1725 Premier Peintre du Roi. Louis de Boullogne est l’un des premiers artistes à jouir d’un prestige social lié à la pratique de son art. Cette renommée, et les nombreuses commandes privées qui complétaient ses charges officielles, lui assurèrent par ailleurs une confortable aisance matérielle.
Louis de Boullogne travailla sur nombre de grands chantiers du règne de Louis XIV. On le trouve aux Petits Appartements de Versailles dès 1679. Sa carrière s’accéléra à partir de 1699 : il exposait cette année-là au Salon quatorze tableaux – des œuvres sacrées, profanes et des portraits – puis à nouveau dix-huit au Salon de 1704, parmi lesquels a probablement figuré notre œuvre. On retrouve ensuite Boullogne aux châteaux de Marly et Meudon en compagnie d’Antoine Coypel, Charles de La Fosse ou Jean Jouvenet. Il travailla également aux Invalides (1709), et à la chapelle royale de Versailles (1715) où ses décors sont toujours en place.
Louis de Boullogne peint ici dans une technique parfaite, selon une iconographie originale, un Christ à la grâce juvénile tel qu’il a pu apparaître à douze ans aux Docteurs de la Loi. En contre-point de ce charme adolescent, le clou et la croix préfigurent les souffrances de la Passion. Le globe rappelle le caractère universel de la mission rédemptrice du Salvator Mundi.
Cette grâce presque féminine est caractéristique des œuvres de Boullogne. On la retrouve par exemple dans son Saint Jean, présenté lui aussi dans sa pleine jeunesse, muni de l’Evangile qu’il écrivit pourtant fort âgé. La physionomie de notre Christ évoque celle de la Vierge du Musée des Beaux-Arts de Lille. L’importance signifiante des mains est une autre caractéristique du maître : délicatement potelées, elles présentent les instruments de la Passion. Les yeux, ordinairement largement ouverts chez Boullogne, sont ici mi-clos, accompagnant l’intériorité de l’œuvre ; ils rappellent certains Christ nouveau-nés des Nativités italiennes, langés les yeux clos dans un drap blanc préfigurant le Sépulcre.
On connaît une réplique autographe de cette œuvre, d’un format légèrement réduit, provenant de la Collection Lavocat (Troyes). Une autre version a appartenu au Vicomte Cobham (Hagley Hall, GB). Une très belle gravure au burin du Jésus cogitanti a été réalisée par Desplaces en contrepartie (voir reproduction).