Huile sur cuivre octogonale. 35,3 x 36,5 cm
Les premières mentions de Guillaume Dumée le présentent comme un disciple de Toussaint Dubreuil. Les deux artistes travaillèrent ensemble aux décorations du Château Neuf de Saint-Germain-en Laye, illustrant par plus de soixante-dixhuit tableaux la Franciade de Ronsard et les Métamorphoses d’Ovide. L’amitié les liait également, et Dubreuil devint parrain de Toussaint Dumée, l’un des fils de Guillaume. Un document du 3 février 1605 atteste qu’à la mort de Dubreuil, Dumée fut chargé de poursuivre « l’entretenement » de l’œuvre de Saint-Germain-en-Laye.
On retrouve au début des années 1610 Guillaume Dumée auprès de Marie de Médicis. Il participa au décor du
Cabinet de la Reine du Louvre, inspiré de la « Jérusalem délivrée » du poète Le Tasse (1581). Dumée réalisa trois des dix tableaux du Cabinet, aux côtés de Gabriel Honnet, Ambroise Dubois et Jacob Bunel. Des dessins de ce projet (notamment conservés à l’Ecole des Beaux-Arts) permettent de mieux comprendre son style, encore attaché à l’Ecole de Fontainebleau, mais avec plus de liberté que certains de ses contemporains.
Comme Toussaint Dubreuil quelques années auparavant, Guillaume Dumée exerça à partir de janvier 1610 la charge de « peintre ordinaire pour les tapisseries du roi », en collaboration avec Laurent Guyot. Il conçut notamment les cartons de la fameuse tenture du Pastor Fido commandée par Marie de Médicis, et conservée aujourd’hui au château de Chambord.
L’inventaire après décès de Guillaume Dumée, dressé par son fils le 8 janvier 1646 et récemment retrouvé par Jean Coural, mentionne l’existence dans son atelier de plusieurs portraits. Ils confirmeraient l’activité de portraitiste du peintre parallèlement à son œuvre de décorateur. Le Portrait du Prévôt des marchands et des échevins de Paris conservé au Musée Carnavalet, et que l’on s’accorde aujourd’hui à attribuer à Dumée, en est un bel exemple.
Ce petit format octogonal sur cuivre représente une Adoration des mages. Entourant la Sainte Famille, les trois mages lui déposent leurs présents. Ils sont revêtus de costumes aux couleurs raffinées relevés de broderies d’or, dans une matière délicate. Les inclinaisons des têtes, des bras, et les postures hanchées animent ces figures composées dans des canons légèrement schématiques propres à Dumée.
Au pied de la Vierge et de l’Enfant, tous deux finement nimbés, sont déposés les insignes régaliens, symboles de la soumission du pouvoir temporel à celui du Christ. A l’arrière-plan, le cortège armé des mages est peint dans un camaïeu de gris-bruns. L’artiste situe l’œuvre dans un paysage minéral surplombé par l’étoile qu’entourent trois chérubins. En partie gauche, la composition est structurée par le stylobate et la naissance des colonnes d’une architecture classique courante dans l’œuvre de Dumée.
On peut rapprocher notre œuvre de certaines tapisseries dont Guillaume Dumée conçut les cartons. Ainsi, le mage au manteau rouge a-t-il une physionomie très proche des philosophes de la tapisserie éponyme conservée au Minneapolis Institute of Arts. La chute et les plis géométriques des drapés y sont semblables. La Vierge, dans des couleurs et une posture teintée de maniérisme, rappelle les dessins de l’artiste pour le Grand Cabinet du Louvre.
Il est intéressant de confronter notre œuvre au Portrait du Prévôt des marchands et des échevins de Paris. Dumée y campe les notables dans une chapelle – peut-être celle de l’hôpital du Saint-Esprit attenant à l’Hôtel-Dieu – dont le retable central figure une Adoration des Mages. La composition évoque Claude Vignon, ou encore Georges Lallemand (1575 – 1636, Adoration des Mages, Musée des Beaux-Arts de Lille), mais l’œuvre du maître-autel qui, selon Sylvie Béguin, n’est probablement pas imaginaire, n’a pu être
identifiée avec précision.
Nous remercions Madame Paola Pacht-Bassani de nous avoir suggéré l’attribution de notre tableau.