Huile sur toile. Trace de signature et daté 1846 en bas à droite
Après une brève carrière dans l’administration, Jules Coignet rejoignit en 1818 ou 1819 l’atelier de Jean-Victor Bertin. Considéré comme l’un des maîtres du paysage historique, Bertin forma dans son atelier Corot, Michallon ou Daubigny. Malgré son échec au concours du prix de Rome dans cette catégorie en 1821, Coignet partit achever sa formation en Italie. Il y abandonnera la pratique du paysage dit historique, pour lui préférer un travail de « vues » croquées sur le vif et nourries de sa constante observation de la nature. Ses nombreux dessins attestent de sa manière de procéder. Il les recomposait en peinture dans l’atelier, mais à la différence de la manière romantique, demeurait très exactement fidèle à ce qu’il avait observé in situ.
Coignet rentra en France en 1827, et demeura toute sa vie un voyageur insatiable. Il ne s’estimait en effet « le droit de peindre que ce qu’il avait vu et étudié ». Il parcourut avidement la France, de la Bretagne à la Savoie et de l’Anjou à l’Auvergne, et se rendit également dans le Tyrol, dont il ramena peut-être le plus poétique de ses recueils. Il retourna en Italie de 1840 à 1843, puis explora le Proche-Orient plusieurs années durant. L’artiste rapporta de ses voyages de nombreux paysages, nourris d’un sens de l’observation aiguisé, loin de tout goût pour l’anecdote. Il publiera plusieurs recueils d’illustrations – le premier, en 1825, rassemble des Vues pittoresques d’Italie. Ils attestent en outre de ses qualités de graveur, car Coignet transcrivit souvent lui-même ses dessins.
Jules Coignet fut très régulièrement présent au Salon de 1824 à 1859. Il s’avérait aussi un excellent pédagogue. Ouvrant un atelier dès 1831, il se pencha sur l’enseignement du paysage, et publia pour ce faire deux ouvrages recueillant ses dessins : Principes et Etudes de Paysage (1831), et Cours complet de paysage (1833).
Notre tableau témoigne de la sensibilité avec laquelle ce paysagiste sut saisir toutes sortes de vedutte lors de ses différents séjours italiens. L’Illumination de Saint-Pierre s’inscrit dans ce goût du XIXe siècle pour les mises en scène pyrotechniques, couramment pratiquées à Rome lors des fêtes religieuses liées aux différentes basiliques majeures. Coignet présenta une version de l’œuvre au Salon de 1831 (L’illumination de Saint-Pierre de Rome ; vue prise sur le Tibre, n° 365). Loué par Jal pour son « effet assez original », c’est peut-être ce tableau qui fut vendu le 8 mars 1844 chez maître Ridel à Drouot. Le numéro 19 de la vente présente en effet, peinte par Coignet, une « vue de Saint-Pierre de Rome, illuminé : sur le devant, le Tibre ; dans le fond, on voit l’église illuminée, et à gauche, le fort Saint-Ange, d’où partent des fusées. Ce tableau, d’une grande finesse de couleur, est d’une harmonie bien entendue et d’un effet vrai. »
La basilique Saint-Pierre depuis les bords du Tibre est un sujet régulièrement retravaillé par Coignet (voir par exemple le numéro 300 de la vente provenant de son cabinet, Paris, 1861). La luminosité témoigne ici de la richesse des impressions visuelles de l’artiste, qui transcrit avec une grande liberté de touche l’atmosphère très particulière de l’Illumination. L’œuvre est un document intéressant, dans sa fidélité à camper l’une des vues les plus célèbres du paysage romain. L’artiste atteste également ici de sa capacité à offrir un moment plein de vie, rassemblant des personnages du peuple romain sur les berges du Tibre ou sur des barques, saisis dans l’observation du feu d’artifice donné depuis la Basilique Saint-Pierre.