Huile sur papier marouflé sur toile
Leandro Bassano ou Leandro da Ponte fut l’élève de son père, le peintre
maniériste Jacopo Bassano dans l’atelier duquel il se forma accompagné
de ses frères Francesco Bassano le Jeune, Gerolamo et Giovanni Battista.Tous partageant de nombreuses similitudes stylistiques, certaines oeuvres de cette période sont difficilement attribuables et la personnalité propre de Leandro reste difficile à cerner.
En 1579, Leandro Bassano s’installa à Venise dans l’atelier de son frère
qu’il dirigea à la mort de celui-ci en 1592. Outre divers travaux pour les
notables de la ville, Leandro reçut de nombreuses commandes des églises vénitiennes et du palais des Doges qui lui permirent d’élargir sa clientèle et sa production. Mais c’est son aisance dans l’art du portrait qui lui valut d’être nommé chevalier par le Doge en 1596 et de séjourner à la cour de Rodolphe II de Bohème à Prague.
Cette oeuvre reprend la composition du Caravage « L’incrédulité de Saint
Thomas », huile sur toile (107 x 146cm) réalisée vers 1602 et conservée à la Bilder Galery, Château de Sans-Souci à Postsdam. Tirée de l’évangile
selon Saint Jean (20‑8), la scène se rapporte au moment où le Christ dit
à Thomas : « Porte ton doigt ici : voici mes mains, avance ta main et mets la dans mon côté, et ne sois plus incrédule mais croyant ». Elle s’inscrit dans les recherches luministes des peintres vénitiens de ce début de XVIIe siècle ; recherches dont Le Caravage, dans sa manière de traiter les figures par la lumière en clair‑obscur reste le maître incontesté.
Réalisé sur papier, telle une esquisse, notre tableau fait montre d’une grande virtuosité avec une technique rapide et audacieuse. Bassano n’exécute pas ici une servile copie d’après le maître, mais la représentation d’un sujet qui a marqué les esprits à Rome.
On sait en effet que le tableau du Caravage était visible à Rome dans la collection Giustiniani par des artistes tels que Sandrart.
Bassano a-t-il été en contact avec l’original ? Dans tous les cas, son audace le pousse à rajouter en arrière plan deux figures inversées (celles des deux apôtres) qui ne sont pas dans l’oeuvre originale.
Sa touche brossée et mordorée l’affranchissent du maître et révèle toutes les subtilités de la palette vénitienne : blanc dans la tunique du Christ, jaune-ocre, même dans la gamme chromatique Bassano ose des couleurs différentes de la composition originale. Les visages des personnages traités de façon très légère sur une préparation ambrée, renforcent l’intensité dramatique du tableau.
Bibliographie :
• Angela Ottino Della Chiesa, « Tout l’oeuvre peint du Caravage », Flammarion, 1988, reproduit en noir et blanc sous le n° 34 p. 93.
• Sebastian Schütze, « Caravage l’oeuvre complet », Tachen, Paris, 2009, planche 28, p. 263.