Deux huiles sur toile formant pendant
« Boilly était demeuré merveilleusement vivant. C’est étonnant comme il nous intéresse à ses petits drames et à ses tendres comédies, combien le manège des coquettes, les airs ingénus de ces Greuze de poche, malgré leur affectation ou à cause d’elle, a pris d’intérêt et de saveur. »
Ce mot d’Arsène Alexandre à l’occasion de l’exposition Boilly en 1930 accompagnait la consécration du travail d’un artiste demeuré absent du grand genre, et difficile à classer. Très tôt apprécié du public, notamment grâce au succès de sa Réunion d’artistes dans l’atelier d’Isabey présentée au Salon de 1798, l’œuvre de Louis-Léopold Boilly se distinguait en effet par son attachement au portrait et à la scène de genre, et pour son penchant vers les petits formats.
La vie familiale fut l’un des sujets de prédilection de Boilly, qui puisa son inspiration en premier lieu au sein de sa nombreuse progéniture. Avec la sensibilité de Greuze et la poésie de Chardin, le peintre érige en motifs les galanteries et les petits incidents de la vie quotidienne, dans une veine qui évoque les maîtres hollandais du Siècle d’Or.
Sans qu’il existe nécessairement de lien entre les sujets, l’artiste affectionne les compositions en pendants. Il privilégie également les dispositions en duo – mère et fils, couple de galants ; il représente ici un frère et une sœur, dans des scènes qu’on imagine aisément inspirées de sa vie quotidienne.
La tourterelle chérie figure, selon la description qu’en donne Henry Harrisse, « un garçonnet qui fait béqueter sa sœur par une tourterelle ». Au pied de la chaise de paille sur laquelle siège le jeune enfant, un chien épie l’oiseau. Dans La crainte mal fondée, la jeune fille rassure son petit frère, pleurant dans son berceau de bois. Un chien est en arrêt au pied du berceau.
Classique dans son métier, excellent dessinateur, Boilly compose ses scènes en narrateur éloquent ; les postures sont étudiées pour rendre lisibles des anecdotes à la fois anodines et charmantes. La touche est fine, et la lumière délicate. La couleur est elle aussi distillée avec douceur : au camaïeu d’ocres et de bruns, répond le bleu soyeux de la robe de la jeune fille, et du vêtement de son petit frère, rehaussé du blanc d’une ceinture ou d’un col. Loin de l’allégorie, Boilly inscrit ses personnages dans son temps. Leurs costumes, contemporains, situent ces œuvres non datées à la fin du règne de Louis XVI.
Les dessins préparatoires à ces tableaux furent exposés au Musée Marmottan lors de la rétrospective consacrée à Boilly en 1984 (40,5 x 51,9 cm, Suisse, collection particulière). Ils sont dénués d’arrière-plan, quand la peinture situe les personnages dans un intérieur, évoqué par un sobre mobilier. Les œuvres ont été gravées en couleur par Louis-Jean Allais, avec de nombreuses variantes.
Provenance :
Collection Marie Dauw-de-Bruyn, château de Relst, Kampenhout, Belgique, avant 1940
Collection Geneviève Van den Eynde, Louvain, Belgique
Collection Eliane Claikens, Bruxelles
France, Collection particulière
Bibliographie :
L.Boilly, catalogue d’exposition, Musée Marmottan, mai-juin 1984, p.81 n°67 et 68.
H. HARRISSE, L.-L. Boilly, 1761 – 1845, Paris, 1898, n° 907, n° 1181