Nicolas CHAPERON (Châteaudun 1612 – Rome 1654/1655)

"Le faune et sa faunesse"

Une huile sur toile et un dessin à la plume, encre brune et lavis brun

Nicolas Chaperon appartient à cette génération de peintres de la première moitié du XVIIe siècle dont l’œuvre fut longtemps éclipsée au profit des « grands maîtres », et dont le nom aurait totalement disparu si quelques travaux signés ou cités ne nous étaient parvenus. C’est comme graveur que la renommée de Chaperon a traversé les siècles : sa Bible de Raphaël, recueil de gravures des Loges du Vatican, servit de modèle à des générations d’artistes. Il fut également copiste – un copiste récalcitrant et difficile, comme en témoigne la correspondance de Poussin que la personnalité de Chaperon semblait vivement agacer.
Une connaissance plus complète de l’œuvre de Chaperon fut engagée avec l’exposition monographique qui lui fut consacrée au musée de Nîmes en 1999. Si son corpus ne compte aujourd’hui qu’une vingtaine de peintures, plusieurs beaux dessins préparatoires, et un ensemble de gravures, on peut toutefois dégager l’originalité d’un connaissance de l’oeuvre destiné à s’étendre.
Deux grands maîtres jalonnèrent la vie de l’artiste, originaire de Châteaudun : Simon Vouet et Nicolas Poussin. Le premier l’accueillit à Paris lors de son arrivée, vers 1632. Apprenti puis collaborateur de Vouet, Chaperon découvrit peu à peu la nouvelle manière représentée par Poussin. Il s’inscrivit ouvertement dans sa lignée à partir de son départ pour Rome, en 1642, où il résida jusqu’à sa mort.

La mise en page de notre tableau et de son dessin préparatoire illustre les préoccupations de Chaperon, dont l’œuvre profane est majoritairement constituée de bacchanales. Librement issus des textes d’Ovide, ou du contemporain Giambattista Marino, ces sujets connaissaient au XVIIe siècle un vif succès.
On retrouve la composition du Faune et sa femelle dans le « Recueil de diverses Bacchanales » comprenant dix eaux-fortes, édité par François Langlois puis repris par Pierre Mariette. Le faune et sa femelle est l’une des trois planches du recueil signées de Chaperon ‘inventeur et graveur’. (Pierre-Jean Mariette affirme d’ailleurs que Chaperon est à l’origine de l’ensemble du recueil, dont Dorigny aurait gravé une partie.) Grâce à la datation estimée du recueil, on peut situer nos œuvres avant 1639.

Guy Tossato voyait en Chaperon un artiste « à la fois savoureux dans ses maladresses et émouvant dans ses raffinements ». Dans notre dessin comme dans notre peinture, on retrouve la facture d’un Chaperon encore jeune, un peu raide dans ses mouvements, anguleux dans ses figures, mais généreux dans ses formes et sa matière.
Le peintre est alors dans l’atelier de Vouet, dont le répertoire inspire sa faunesse. Son œuvre manifeste toutefois déjà l’influence de Poussin. On retrouve par exemple des échos de la Bacchanale à la Joueuse de Guitare (Musée du Louvre, ca. 1627 – 1628) dans les postures des personnages et la mise en place du paysage.
La manière atteste de certaines spécificités de Chaperon. La mise en page est décentrée, regroupant les figures, et laissant une vaste place à la nature emplie de poésie. Les épaules massives du faune vu de dos évoquent celles du berger assis au premier plan dans The nurture of Jupiter (The Ackland Art Museum). La tête de l’enfant regardant le faune peut être comparée à celle de l’Enfant Jésus tenu par Saint Joseph, dans un dessin conservé au Musée du Louvre (INV 34100, Recto). Sylvain Laveissière, dans le catalogue consacré à Chaperon, rappelle enfin que le « satyre cornu dont le crâne chauve et bosselé est vu par en dessus, est en quelque sorte la signature de l’artiste. »

On sait, par la mention ‘Chapperon inventor et pinxit’, inscrite sur la planche des Enfants jouant avec un bouc, que Chaperon avait peint les compositions qu’il grava dans ce recueil. On n’en connaît cependant pas de traces. Il est ainsi particulièrement intéressant de pouvoir relier ici un dessin préparatoire, le tableau qui lui correspond, et enfin la gravure qui en est issue. Ces modèles inventés par Chaperon furent maintes fois réutilisés – les peintures du château de Mornay (Saint-Pierre-de-l’Isle), aujourd’hui disparues, en constituent l’un des plus beaux exemples.

Provenance :
- Collection particulière

BIBLIOGRAPHIE
- S. LAVEISSIÈRE, D. JACQUOT, G. KAZEROUNI, Nicolas Chaperon 1612 – 1654/55, catalogue d’exposition, Musée des Beaux-Arts de Nîmes, 1999, n° 21

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