Huile sur toile.
Corot était avant toute un paysagiste. D’abord purement naturels, ses paysages s’ornent parfois de figures, puisées dans la mythologie ou l’Ancien Testament, ‘Agar dans le désert’ (1835, New-York, Metropolitan Museum of Art). La figure humaine comme motif principal est d’ordinaire traitée seule. Il la travaille dans les années 1825 avec une série de portraits. Ses liseuses, plus tardives et rarement présentées de son vivant, sont empreintes d’une sobre mélancolie. Sa peinture religieuse est illustrée par une grande commande publique pour le baptistère de l’église de St Nicolas des Chardonneret, ou un ensemble sur les murs de l’église de Ville d’Avray (1855-1856) ; on y retrouve d’ailleurs une Marie-Madeleine. En peinture de chevalet, Corot peignit des sujets érémitiques, et quelques figures vétérotestamentaires comme ’Rebecca au puits’ (1838-1839, Pasadena, Norton Simon Museum).
Le peintre avait peut-être puisé le thème de Marie-Madeleine chez les maîtres anciens ; les représentations qu’en avaient faites Corrège puis Pompeo Batoni avaient été largement diffusées. On retrouve à plusieurs reprises la sainte dans l’œuvre du maître (voir par exemple ‘La Madeleine lisant’, Paris, Musée du Louvre ; ‘La Madeleine en prière’, vente Sotheby’s, 04/05/2012, lot n° 85). Le buste dénudé, enveloppée d’une, tunique, elle figure en prière, implorante, dans le désert. Accompagnée d’une vanité, elle a souvent le regard élevé vers le ciel. A l’inverse, dans notre œuvre, son visage est tourné vers le crucifix qu’elle semble invoquer, les mains jointes. Ce n’est plus la nature qui entoure la sainte, mais un univers minéral que Corot aimait peindre, et qui l’avait souvent occupé lors de ses séances en forêt de Fontainebleau.
Comme dans ses paysages, le mode de représentation de la figure privilégie la masse, évite les détails, le pittoresque. Le motif se forme selon un ordre que Corot définissait lui-même dans ses notes : saisir la masse est le premier pas, où l’ensemble doit prédominer. Suivent le dessin, qui doit être ferme et rythmé, puis la mise en place des valeurs, la couleur, et enfin l’exécution. L’habile diffusion de la lumière sans jeu, contribue à l’effet de justesse dépourvu de tout effet virtuose. Elle se concentre sur le corps de la sainte, et les quelques objets qui soutiennent sa méditation repentante : le crucifix, la Bible et le crane. La matière de l’artiste était ses débuts très en relief, son travail dans la matière évoquait Chardin. Peu à peu il homogénéisa sa touche, préférant les demi-pates onctueuses. C’est ainsi qu’est construite notre œuvre, où le passage du pinceau régularise mais toujours perceptible participe à construire l’harmonie d’ensemble.
Dans les années 1840, Corot atteignit sa maturité. Notre œuvre, probablement datée du début de la décennie suivante, se ressent de cette concentration propre à certains de ses petits formats : la gamme de couleur contenue est pourtant largement modulée. La touche colorée construit, voire charpente, la silhouette féminine. Les chairs et le drape sont toutefois finement retranscrits, mais Corot ne sacrifie pas aux détails inutiles, laissant émaner une atmosphère de grave recueillement.
Ce tableau sera reproduit dans le sixième supplément à L’œuvre de Corot par Alfred Robaux, actuellement en préparation par M.Martin Dierterle.