Huile sur toile.
Originaire d’une famille de notables de Pithiviers, Lubin Baugin se forma probablement dans sa région natale avant de s’installer à Paris. Rattaché à la paroisse de Saint-Sulpice, il fut dans un premier temps actif dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés : là, pouvaient s’établir librement les peintres provinciaux ou étrangers qui n’appartenaient pas à l’Académie de Saint Luc. Baugin dut alors peindre principalement des natures mortes, sous l’influence des artistes flamands qu’il côtoyait.
En 1627, Simon Vouet quittait Rome, et rentrait en France avec un style nouveau imprégné des maîtres italiens. Cinq ans plus tard, Baugin partit à son tour pour Rome, où il séjourna une dizaine d’années. Surnommé au XVIIIe siècle le ‘Petit Guide’, l’artiste fut pourtant moins marqué par le travail de Guido Reni que par celui de Raphaël ou du Corrège, ou encore de Parmigianino. Fort de ces influences, Baugin travailla dans un style très original, empreint de douceur poétique.
C’est probablement l’expérience italienne qui le conduisit vers une carrière de peintre d’histoire. Dès son retour en France en 1641 son art s’avérait florissant ; en butte à de nombreuses commandes, il engageait régulièrement des apprentis. Il fut reçu dans la corporation parisienne des peintres et sculpteurs en 1645, puis à l’Académie en 1651. Baugin travailla pour nombre d’églises parisiennes, tels qu’en attestent diverses descriptions du XVIIIe siècle : on recensait non moins de dix-neuf de ses œuvres dans la cathédrale Notre-Dame. Il produisit également pour les couvents et les églises de sa région d’origine. L’artiste réalisa en outre de nombreuses œuvres de dévotion de petits formats, comme notre Madeleine pénitente.
Baugin figure la sainte allongée dans un paysage aride, à peine éclairé par les lueurs du crépuscule. Bien qu’à demi-dénudée, ses longs cheveux couvrant l’épaule, la Madeleine n’est pas ici la femme séduisante et sensuelle que peignait Guido Reni. Son expression austère et ses chairs blêmes, rappelant la peinture de Philippe de Champaigne, sont le reflet d’une âme travaillée par la douleur de la repentance. Son corps blafard évoque celui du Christ mort pleuré par deux anges (Musée des BeauxArts d’Orléans).
La gamme chromatique demeure délicate : on retrouve par exemple la finesse des bleus propre à l’artiste. Les figures de chérubins sont empreintes de douceur. La physionomie de la Madeleine est également caractéristique : ses traits réguliers, qui font le charme des jeunes madones de Baugin, sont ici le témoin de la contrition. Le large regard élevé, le nez à la grecque, les longues mains aux doigts fuselés se retrouvent par exemple dans l’Assomption (Eglise de Cherré, Maine-et-Loire).
Le culte à Sainte Madeleine, et le pèlerinage à la Sainte-Baume qui lui était associé, étaient très en vogue au XVIIe siècle. Pierre de Bérulle, figure majeure de la Réforme catholique, contribua à diffuser sa dévotion en écrivant une Elévation sur sainte Madeleine. Marie-Madeleine est ainsi un sujet largement représenté dans l’œuvre de Lubin Baugin. Gueffier (dans sa « Description historique des curiosités de l’Eglise de Paris », 1763), en compte deux à Notre-Dame, dont la Madeleine enlevée au Ciel par des anges, l’un de ses chefs-d’œuvre. L’inventaire après décès de l’artiste, récemment retrouvé aux Archives Nationales, compte également cinq « Magdelaine ».
A la Révolution, la production de Baugin auparavant bien conservée fut entièrement dispersée. Les procès-verbaux des saisies, et les catalogues des ventes, sont ainsi d’importants documents renseignant un corpus redécouvert très progressivement depuis les années 1930. On vit ainsi passer en vente le 21 mars 1791 une Magdeleine dans le désert, accompagnée de Chérubins, par « Lubin Beaujin ». L’œuvre provenant de Madame Bellanger, fut vendu à Paris chez Caudin, sous le numéro 56. C’était une toile de 11 pouces de haut sur 20 pouces de large – le titre comme les dimensions correspondent à notre œuvre, et confortent son attribution.