Ca 1820. Huile sur toile d’origine
Provenance
France, collection particulière
Le nom de Michallon devint célèbre en 1817, lorsqu’il remporta, à l’unanimité, le tout premier prix de Rome de paysage historique qui semblait avoir été créé pour lui.
Fils du sculpteur Claude Michallon, il passa son enfance au Louvre parmi les artistes, et manifesta très tôt des dons certains pour la peinture. Attiré par le paysage, il n’hésita pourtant pas à quitter l’enseignement de David pour celui de Pierre-Henri de Valenciennes, l’un des plus célèbres paysagistes de la fin du XVIIIe siècle. Il fréquenta également les ateliers de Jean Victor Bertin et d’Alexandre-Hyacinthe Dunouy, mais l’essentiel de sa formation se fit en plein air et au contact des œuvres des maîtres du XVIIe siècle, plus spécialement Poussin qu’il admirait.
Il n’avait que douze ans lorsque le prince Nicolaï Youssoupov, grand amateur d’art, le remarqua et voulut l’emmener avec lui en Italie. Sa mère s’y opposa vivement, et l’aristocrate russe se contenta de pensionner le jeune artiste qu’il avait surnommé « le petit Poussin » jusqu’à sa première participation au Salon de 1812. S’en suivirent la médaille d’or à Paris, une autre au concours de la ville de Douai, et, enfin, le prix du « concours de l’arbre » pour Un châtaignier brisé par la foudre qui lui permit de concourir pour le grand prix de Rome de paysage historique proposé par le ministère de l’intérieur en 1817.
Pensionnaire du roi à la Villa Médicis, Michallon retrouva avec bonheur les paysages de Poussin, et s’est fort de plusieurs centaines d’études faites à Rome, à Florence et jusqu’en Sicile qu’il revint en France. Encore en Italie, il obtint sa première commande officielle, La Mort de Roland pour la galerie de Diane à Fontainebleau (Louvre), puis son Paysage inspiré de Frascati fut acheté par Louis XVIII. Le succès est fulgurant et en 1821, Michallon ouvrit son propre atelier où il accueillit Corot. Travailleur acharné, il courait les environs de Paris à la recherche des lieux pittoresques, des arbres, collines et ruisseaux qui, combinés avec ses souvenirs d’Italie allaient former ses paysages habités plutôt qu’animés de quelques rares personnages mythologiques ou paysans italiens. Il mourut brusquement l’année suivante, laissant derrière lui une quantité impressionnante d’études sur nature à l’huile et au crayon dispersées en vente publique et un grand nombre de tableaux chez les collectionneurs.
Souvent de format réduit, les toiles de Michallon réussissent un mariage parfait entre la transposition réaliste de la nature, sa recomposition par l’imagination selon les principes de la théorie classique et le romantisme de l’expression. Ses campagnes verdoyantes, ses ruines, rochers et cascades sont vivants, faits de l’observation directe, mais sont paisibles, baignés d’une lumière claire, diffuse, comme figés hors du temps. Notre paysage est de ceux-là, car, bien qu’il ne porte aucune signature, la main de Michallon y est immédiatement perceptible. Image d’une nature idéale et néanmoins réelle, inspirée de la campagne italienne, elle semble produite par la douce musique que joue le berger sur sa flûte sans toutefois qu’il soit le centre de la scène. Héritiers directs des personnages antiques de Poussin, deux philosophes drapés dans leurs palliums, écoutent, rêveurs, l’un, jeune, assis sur une pierre, l’autre plongé dans l’ombre du grand arbre, de ceux qui fascinaient tellement Michallon. Avec les hommes, ce sont la forêt, les eaux, les pierres qui paraissent attentifs à la mélodie, et les nuages mêmes interrompent leur incessante course pour profiter de ce moment de grâce et d’harmonie terrestre.