74 x 93,5 cm
1700.
Huile sur toile.
Signé et daté en bas à gauche AP PATEL 1700 (AP en monogramme)
Provenance
• Vente New York, Parke-Bernet Galleries, 13 février 1958, lot 34, repr.
• Vente New York, Parke-Bernet Galleries, 26 octobre 1963, lot 279, repr.
• Collection particulière européenne.
Dernier enfant du paysagiste Pierre Patel (1605-1676) et de Marguerite Verdier, Pierre-Antoine suivit la voie tracée par son père et par son frère aîné, Jacques, trop tôt disparu, tué lors d’un duel. La formation du jeune artiste se fit dans l’atelier familial, en aidant, puis en assistant son père. L’année suivant la disparition de Pierre, Pierre-Antoine, alors âgé de vingt-neuf ans, fut reçu maître peintre à l’Académie de Saint-Luc, l’héritière de la corporation parisienne de peintres et sculpteurs. À la différence de son père, qui côtoyait Vouet ou Romanelli, il ne semble pas avoir noué d’amitiés ou de relations avec des artistes de renom qui auraient pu avoir une influence décisive sur son art ou sur sa carrière. Toutefois, dans un acte notarial daté de 1680, il apparaît portant le titre de « maître peintre et peintre ordinaire du Roy », ce qui fait croire qu’il travailla pour Louis XIV.
La réalisation la plus célèbre de Pierre-Antoine Patel est la série des Douze mois de l’année datant de 1699 et aujourd’hui dispersée entre collections publiques et particulières. De format réduit ou, au contraire, très grands, ses autres tableaux forment parfois plus simplement des pendants ou des séries moins ambitieuses, ayant pour thème les Saisons, les Éléments ou les Moments du jour. Toutes ses œuvres étaient destinées à une clientèle d’amateurs fidèle et éclairée, essentiellement parisienne, qui gardait un vif souvenir de l’art clair de Patel l’Aîné et goûtait avec délectation les compositions poétiques de Patel le Jeune. Car s’il développe le même genre de paysage méditerranéen agrémenté d’imposantes ruines antiques et animé de quelques rares personnages, son style se démarque de celui de son père.
Pierre-Antoine aime l’air et le ciel, évitant de faire monter ses frondaisons et ses architectures jusqu’au bord supérieur du tableau. Chez lui, les lointains se découpent en plans successifs, encadrés d’arbres aux troncs tortueux. Le premier plan gagne en profondeur et s’encombre de rochers escarpés et de végétation sauvage. Le rythme de l’ensemble est saccadé, virevoltant, polyphonique, mais les détails et surtout les éléments d’architecture s’effacent, se fondent dans les effets d’ombre et de lumière et dans une harmonie brune. Patel le Jeune joue avec l’éclairage pour accentuer l’aspect irréaliste, fantastique, voire étrange de ses compositions, définir la perspective et guider le regard du spectateur entre les montagnes bleutées à l’horizon, les gestes des personnages ou les murs écroulés des temples antiques.
Œuvre de maturité, le paysage que nous présentons illustre parfaitement la manière si personnelle de Patel le Jeune. L’édifice en ruines, avec ses soubassements massifs, ses voûtes, ses étages, ses absides et ses colonnes corinthiennes évoque à la fois les thermes de Caracalla, la maison d’Auguste et les vestiges du Forum de Nerva que l’artiste connaissait grâce à la gravure. Dans ce décor monumental et minéral, créé et détruit par l’homme, le paysagiste fait cohabiter des bergers et des voyageurs qui semblent indifférents aux gloires du passé. Le soleil couchant éclaire la scène par la gauche, ses rayons traversent en diagonale les arcs et les voûtes dans un jeu complexe de clair-obscur qui emporte sur la masse du bâtiment et divise l’étang au premier plan. Les feuillages touffus et les herbes qui avaient envahi la ruine se parent de reflets dorés ou se découpent à contre-jour sur le ciel haut parcouru de quelques rares nuages vaporeux. La composition est déséquilibrée : lourde et sombre à gauche, aérienne et vide à droite, elle est pénétrée de cette lumière chaude, théâtrale et féérique, chère à l’artiste et qui enchante et fait rêver le spectateur.
A.Z.
Bibliographie de l’œuvre
Natalie COURAL, Les Patel, paysagistes du XVIIe siècle, Paris, 2001, p. 236, cat. PAP 57, repr.
Stephen Donald BORYS, The Splendor of ruins in French landscape painting, 1630-1800, cat. exp. Allen Memorial Art Museum, Ohio, 2005.