Huile sur toile. Signé et daté en bas à gauche 1836.
François-Joseph Navez étudia la peinture à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles à partir de 1803. Elève brillant, maintes fois primé, il obtint une bourse qui lui permit de poursuivre sa formation à Paris. Il passa trois ans dans l’atelier de David, et rentra à Bruxelles en 1816 en compagnie de celui-ci. Bénéficiant d’une nouvelle aide l’année suivante, il partit pour Rome et y demeura jusqu’en 1821. Proche de la Villa Médicis, il se lia d’amitié avec Granet, avec qui il correspondra jusqu’à sa mort. En 1822, il regagna Bruxelles où se déroulera toute sa carrière.
La peinture de Navez demeura soumise aux influences multiples des peintres qu’il côtoyait et admirait ; lui-même semble avoir souvent hésité sur le chemin à suivre. Son passage en France marque une première affirmation de style, caractérisée par l’influence de David dont il fut souvent considéré comme le successeur. A Rome, Navez fut également marqué par Ingres ; il écrivait toutefois dans l’une de ses lettres : « Elle [la manière d’Ingres] est goûtée de si peu de monde que je crèverais de faim si j’en tâtais. Elle ne peut être appréciée que par un petit nombre d’artistes qui ont un degré de délicatesse et sensibilité au-dessus du vulgaire. » La critique reprocha à Navez de retour en Belgique sa touche davidienne, passéiste ; certains de ses portraits distillèrent peu à peu une expressivité empreinte du romantisme qui se développait alors, notamment sous l’influence de Wappers. Le Songe d’Athalie aux accents théâtraux et orientalisants que Navez envoya à Paris, au Salon de 1831, est un bel exemple de l’évolution stylistique du peintre. L’œuvre connut un franc succès et obtint une Médaille d’Or.
Navez avait été nommé à la tête de l’Académie des Beaux-Arts en 1830. Cessant d’exposer en 1851, il continua à produire beaucoup, notamment des portraits ; il démissionna de l’Académie des Beaux-Arts huit ans plus tard, et finit sa vie entouré d’amis artistes français et belges.
L’œuvre de Navez est marquée par une oscillation entre le grand genre – il aurait voulu être considéré comme peintre d’histoire – et la peinture de genre et de portraits. Il écrivait à propos de ces derniers : « tant que possible je les évite, à cause que l’on a aucune réputation à ces objets là et beaucoup d’ennui ». C’est toutefois par le portrait, répondant parfaitement à l’attente d’une clientèle bourgeoise désireuse de se mettre en scène, qu’il connaîtra le succès.
La critique s’accorde à reconnaître une grande disparité dans l’abondante production de Navez. La qualité des portraits du peintre dépendait peut-être de l’intérêt et du lien qui le liait à ses modèles, et de la liberté créatrice que lui laissaient ces derniers. L’un de ses plus réussis est peut-être le portrait de la famille de son ami De Hemptinne, qu’il saisit dans une vivante intimité avec une technique impeccable (1816, Bruxelles, Musées Royaux des Beaux-Arts). Celui qu’il fit de son jeune fils, d’un seul jet, le sachant alors atteint d’un mal incurable, est également un chef d’œuvre de grâce sensible à la manière de David (Portrait d’Auguste Navez, 1846, collection particulière).
Navez peint notre Portrait d’homme en 1836 ; il est alors au faîte de sa carrière et en pleine possession de ses moyens. Le modèle est présenté sans aucun accessoire, à la manière plus sobre des portraits de ses proches. Le buste légèrement de profil porte un vêtement décrit sans précision. La chevelure, naturelle et peu ordonnée, contribue à conférer à l’œuvre un sentiment de vivante proximité. Le visage se retourne vers nous ; la touche enlevée, nerveuse, dévoile la force retenue du modèle. La mine grave et le regard intense transmettent une personnalité plus qu’elles ne décrivent un statut, laissant deviner une certaine intimité entre l’artiste et son modèle. Dans son expressivité, l’œuvre est proche de certains des Autoportraits que l’artiste peignit en nombre.