Nicolas de LARGILLIERRE (Paris, 1656 - 1746)

Portrait d’un gentilhomme à la cape rouge

59,2 x 48,9 cm

Huile sur sa toile d’origine
Signé et daté au dos : Peint par N. de Largillierre 1690

Provenance :
• Commerce d’art parisien à la fin du XIXème siècle
• Henri Bamberger ; par descendance à sa fille, Yvonne Bamberger, épouse de Robert de Toulouse-Lautrec (cousin germain de Henri de Toulouse-Lautrec) ;
• France, collection particulière.

Chacun s’empressoit à exercer ses talens, & à étendre la gloire de son nom (…) (1)

Tout comme Hyacinthe Rigaud (Perpignan, 1659 – Paris, 1743), Nicolas de Largillierre arrive à Paris dans la maturité de son talent. Célébré par ses contemporains, reconnu par l’Académie, l’artiste se taille une place parmi les noms glorieux de la peinture de portraits. Considérés comme des symboles de reconnaissance sociale, ses portraits font tous grâce de la même juvénile ardeur, ménageant ainsi la susceptibilité des modèles. De ce fait, il n’est pas étonnant de retrouver les traits physiques de notre modèle proches de ceux d’un portrait d’homme à mi-corps conservé au musée d’art Thomas Henry de Cherbourg.
Notre portrait n’est pas identifié, cependant nous en connaissons une seconde version, passée en vente publique en 1990 : cette double commande révèle l’importance du modèle.

L’interprétation élégante du naturalisme des Flandres, héritée de l’œuvre de Van Dyck, permet à l’artiste de s’illustrer dans l’usage des coloris aussi francs que maîtrisés, faisant ressortir la chair nacrée et concentrant instantanément l’attention sur le visage. Son pinceau prodigue de merveilleux effets de matière permettant de retranscrire la splendeur des étoffes telles que l’habit bleu et l’épaisse draperie de velours rouge enveloppant le modèle.

De cet enseignement nordique, Largillierre retiendra aussi le naturalisme des poses dont il fait usage ici en fixant les traits spirituels et séduisants d’un visage en pleine réflexion, le regard tourné vers la droite. L’éclat du regard ainsi que les effets de transparence de la chair rendus par une touche grasse révèlent une observation directe du modèle. Au-delà de la vie physique, Largillierre cherche à rendre la psychologie de son modèle. Ses œuvres sont des aide-mémoires, les modèles sont pour la plupart des amis, connaissances, parents ou élèves. En cela, chaque portrait est un témoignage intime d’affection, vivant et sincère, traduit dans une mise en scène théâtrale très appréciée. En représentant l’élite de la société, l’artiste évoque l’élégance et le raffinement du Grand Siècle conférant ainsi une dimension plus gratifiante à son œuvre, comme témoignage historique. Le portrait historié réjouit le modèle qui s’en retrouve ennobli, autant que le peintre qui rejoint ainsi la peinture d’histoire, portée en haute estime par l’Académie.

[Ses portraits] sont de véritables tableaux qui seront toujours recherchés des conoisseurs. (…) (2)

L’exceptionnelle facilité de travail de Largillierre lui permit d’honorer toutes ses commandes, parfois si nombreuses qu’il lui fallait les achever en une semaine seulement(3). Interprète de la vie sociale bourgeoise dont il était proche, Largillierre aura une longue et féconde carrière également célébrée par l’Académie dont il sera nommé chancelier puis directeur en 1738. Son œuvre fut notamment collectionnée par trois des plus célèbres amateurs d’art français du Grand siècle dont La Live de Jully (1725-1779), Jean de Jullienne (1686-1766) et Louis-Antoine Crozat de Thiers (1699-1770) puis, au siècle suivant, Louis La Caze (1798-1869) qui légua sept de ses œuvres au Louvre.

M.O.

(1) Dezallier d’Argenville, 1762, p.296
(2) Mariette, 1851-1860, t. III, p. 61
(3) Georges Pascal, Largillierre, Les Beaux-Arts Edition d’Etudes et de Documents, Paris, 1928, p. 41

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