Cornelis JANSSENS VAN CEULEN (Londres, 1593 – Utrecht, 1661)

Portrait d’un notable à mi-corps tenant une paire de gants

98.5 x 78.5 cm

Huile sur toile
Beau cadre espagnol en bois doré et sculpté à profil renversé du XVIIe siècle

Provenance  :
• Elverson, Philadelphia ;
• Mr. Julius H. Weitzner, 1946
• With Jaques Seligmann and Co., 1953
• Akron Institute of Arts, Ohio ;
• Sotheby’s Parke Bernet, New York, 12 Janvier 1979, lot 88, comme Claude Lefèbvre
• États-Unis, collection particulière.


Bibliographie  :

• Karen Hearn, Cornelis Johnson, Paul Holberton Pub., Londres, 2015


Exposition :

• Wildenstein & Co., French Paintings of the Time of Louis XIII and Louis XIV, 8 May - 1 June 1946, New York, n. 24 comme Claude Lefèbvre (Paris, 1632 – Fontainebleau, 1675) ;
• The Society of the Four Arts, Portraits, Figures and Landscapes, Janvier – Février 1951, Palm Beach, n. 27, comme Claude Lefèbvre (Paris, 1632 – Fontainebleau, 1675) ;
• Des Moines Art Center, Portraits and Figure Paintings by French Artists of the Seventeenth, Eighteenth and Nineteenth Centuries, Iowa, 1952, comme Claude Lefèbvre (Paris, 1632 – Fontainebleau, 1675)
• Jacques Seligmann and Co., Exhibition of Seventeenth Century French Paintings and Drawings, Novembre - Décembre 1953, New York, n. 7, comme Claude Lefèbvre (Paris, 1632 – Fontainebleau, 1675)
• Birmingham Museum of Art, The Reformation and Counter-Reformation, Birmingham, Alabama, 1954, comme Claude Lefèbvre (Paris, 1632 – Fontainebleau, 1675)

Paintre très excellent en grandes, et petites ordonances (…)
il a demeure long temps en Angleterre, ou il a faict plusieurs belles
et admirables pieces, pour le Roij et plusieurs autres grandes Seigneurs.
(1)

Injustement écarté des ouvrages d’histoire de l’art, Cornelius Johnson (Jonson ou Janssens) van Ceulen fut pourtant considéré de son temps comme un excellent portraitiste. Son œuvre fut redécouverte notamment par de majestueux portraits issus de collections privées britanniques, où l’artiste passa la majeure partie de sa vie.

Né à Londres en 1593 d’un milieu protestant, le jeune artiste, formé dès l’âge de 14 ans, se révèle un excellent dessinateur. En développant ses qualités de portraitiste, van Ceulen s’inspire des artistes flamands dont la présence est attestée en Angleterre dans les années 1610, tel que Cornelis Ketel (1548-1616), et côtoie l’atelier de Marcus Gheeraerts II (1561/2 – 1636), peintre de la reine Anne de Danemark. Les sources signalent également la présence du jeune artiste autour des années 1615 à Amsterdam ainsi qu’un retour à Londres vers 1618, ce qui appuierait l’hypothèse d’une double formation, déjà ressentie dans ses premiers portraits.

Largement inspiré par l’œuvre d’Antoon van Dyck (Anvers, 1599 – Londres, 1641) dont il subira la popularité à ses débuts, van Ceulen est apprécié pour la préciosité nordique qu’il insuffle à ses œuvres et se taille progressivement une place de choix dans la haute société anglaise, jusqu’à sa nomination en tant que peintre de cour du roi Charles Ier en 1632. Cependant, les guerres civiles qui frappent l’Angleterre dès les années 1640 conduisent l’artiste et sa famille à rejoindre les Provinces-Unies. À Middelburg, noyau du commerce des Provinces-Unies de la seconde moitié du siècle, Johnson rejoint une communauté de peintres et marchands établis depuis déjà quelques années. Il intègre la guilde de Saint-Luc et y développe un nouveau réseau de commanditaires. À Amsterdam, sa fidèle clientèle anglaise ainsi que ses commandes locales lui assurent une renommée grandissante : riches marchands et imposantes figures politiques telles que Jan Cornelisz. Geelvinck célèbre bourgmestre, lui réclament leur portrait.

Middelburg, Amsterdam et enfin La Haye, van Ceulen explora de nombreuses villes avant de rejoindre Utrecht en 1652, province calviniste, où il passera les dix-huit dernières années de sa vie. Il y reçoit des commandes de membres de l’élite familiale et devient l’un des meilleurs portraitistes de la région.

Contrairement à sa production londonienne dont la plupart des modèles aux visages de forme ovoïde sont représentés en buste dans des trompe-l’œil d’architectures ovales, les portraits issus de sa production hollandaise demeurent plus raffinés. Inspiré par van Dyck, mort en 1641, Ceulen développe de nouvelles caractéristiques communes à ses portraits dont la représentation des modèles à mi-corps, de trois quarts, détachés d’un fond sombre. Probablement riche marchand ou commanditaire issu de l’élite sociale d’Utrecht, notre modèle pose fièrement, une main posée sur son torse, l’autre tenant délicatement une paire de gants de cuir.

Les talents de miniaturiste de van Ceulen justifient certainement la recherche poussée de préciosité dont notre tableau en est un excellent exemple. La lumière est astucieusement pensée afin de porter l’attention du spectateur sur le visage du modèle en créant un contraste saisissant entre les chairs et le fond uni bleu canard, deux éléments ayant presque valeur de signature, utilisés dans quelques rares portraits connus de l’artiste. L’élégance et le réalisme exacerbé sont rendus à travers une exécution minutieuse des matières notamment dans la transparence délicate des chairs de cire aux veines apparentes, détail commun aux portraits de cette période, considérés comme les plus subtiles de sa production.

La carrière de Cornelius Johnson van Ceulen se scinde en deux productions distinctes dont la partie hollandaise se distingue par une finesse d’exécution élevée à son plus haut niveau d’exigence. Célébrée par le graveur Jan Meyssens (1612-1670) dans son ouvrage Images de divers homes d’esprit sublime qui par leur art et science devraient vivre eternellement et desquels la louange et renommée faict estonner le monde (1649), collectionnée par l’élite sociale entre Londres et Utrecht au cours du XVIIe siècle, et conservée de nos jours dans des musées internationaux tels que le Centraal Museum d’Utrecht et la Tate Modern de Londres, l’œuvre de van Ceulen fut remise à l’honneur grâce à l’ouvrage qui lui a été récemment dédié, paru en 2015.

M.O.

(1)1 Karen Hearn, Cornelis Johnson, Paul Holberton Pub., Londres, 2015, p. 57

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