Jean-Baptiste GREUZE (Tournus, 1725 – Paris, 1805)

Portrait d’une bacchante

48,5 x 42 cm

Huile sur toile ovale

Provenance :
• Probablement : vente Christie’s, Londres, 27 juin 1891, n°120 Head of a bacchante
• France, collection particulière.

Bibliographie :
• Jean Martin, Œuvre de J.-B. Greuze : catalogue raisonné, suivi de la liste des gravures exécutées d’après ses ouvrages, G. Rapilly, Paris, 1908, sous le numéro 428, p.30 : « Bacchante. Vue de dos, la tête de trois quarts à droite. Les cheveux, retenus au sommet de la tête par une couronne de lierre, flottent autour du visage et retombent sur les épaules nues. Une peau de tigre entoure le corps. »

« Ce talent d’exprimer les passions sur la toile est très rare et Mr Greuze le porte au plus haut degré. »

Incomparable dessinateur détaché du goût rocaille français qu’il juge trop frivole, Jean-Baptiste Greuze met l’accent sur la glorification de la sensibilité de ses sujets qui se doivent d’élever l’âme du spectateur. Formé dans l’atelier du maître lyonnais Charles Grandon qu’il suit à Paris en 1750, Greuze reçoit par la suite les leçons de Natoire à l’Académie. Il ne s’engage pas dans la voie officielle du prix du Grand Prix de Rome mais y est cependant agréé en 1755 grâce à son Père de famille lisant la Bible à ses enfants (Lens, musée du Louvre).
Après un séjour en Italie dont il ne retiendra que le travail sur l’expression des figures, Greuze inaugure un genre nouveau qui bouscule la critique. Il s’agit de scènes de genre dont la mise en place des éléments évoque la grande peinture d’histoire mais dans lesquelles l’expression des sentiments règne : un intérêt inédit dans la peinture française, né de ses multiples dessins d’après nature. En effet, en observateur attentif, Greuze esquisse de nombreux portraits d’enfants dont la spontanéité naturelle capturée en font des sujets propices à la réflexion qui ravissent l’œil de ses plus érudits contemporains. Diderot notamment, dont il dessine le profil en 1766 (New York, The Pierpont Morgan Library), apprécie sa peinture pour l’exercice psychologique et philosophique qu’elle lui procure. En influent défenseur de sa peinture, il évoque l’« âme délicate et sensible » du peintre et sa capacité à dépeindre l’esprit vif de la jeunesse.
D’un trait rapide, souple et enveloppé, Greuze présente le portrait d’une jeune fille vue de dos, le regard tourné vers le spectateur. Sur un fond uni d’un vert pâle cuivré, les traits doux et fondus d’une gamme chromatique restreinte forment délicatement la peau de tigre qui retombe sur ses épaules nues, et sa chevelure bouclée coiffée de lierre. Quelques rapides coups de pinceaux esquissent son délicat visage, rehaussés par d’épaisses touches de rose brossées définissant ses joues rondes, soulignant la douceur de l’enfance.

Notre portrait illustre le goût pour la représentation de la mythologie très en vogue à l’Académie, mais avant tout pour celle de la jeunesse (ill. 1) qui rejoint les préoccupations morales de l’époque dont l’intérêt grandissant pour les classes moyennes, les mœurs, le respect de la vieillesse, l’enfance et l’éducation : reflet de l’ensemble de l’œuvre de Jean-Baptiste Greuze.
Greuze aura de nombreux imitateurs qui ne l’égaleront cependant jamais dans l’intensité dramatique de son travail. À travers ses portraits, dont notre œuvre est un parfait exemple, Greuze développe un genre nouveau, une peinture d’exaltation des sentiments qui place la figure de l’enfant au centre de l’attention.

M.O.

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