Huile sur toile. Sur le cartouche : Jean-Louis Gustave d’Hautefort et sa sœur Marie-Thérèse-Thaïs d’Hautefort 1802. Tableau exposé au Salon de 1800, sous le numéro 325
La redécouverte d’Adèle Romanée fut accompagnée par la réattribution, à l’initiative de Marguerite Oppenheimer en 1997, de plusieurs de ses œuvres jusque là données à David ou Regnault. La vente Christie’s du 26 juin 2008 à Paris a ensuite mis en lumière certains de ses chefs d’œuvre, et les recherches menées à cette occasion ont contribué à mieux comprendre le parcours d’une artiste dont le corpus n’est encore connu que par fragments.
Née Jeanne-Marie Mercier, la jeune fille fut légitimée à l’âge de neuf ans par le Marquis de Romance, dont elle prit alors le nom. Adoptant le prénom d’Adèle, elle se forma dans l’atelier tenu par la femme de Jean-Baptiste Regnault. On retrouvera dans ses œuvres la manière du maître, ferme et précise, tempérée notamment par l’influence plus féminine de Marguerite Gérard – dans la délicatesse des coloris ou la finesse du rendu des étoffes. Dans sa maturité, le style d’Adèle Romanée gagne en sensibilité : les formes s’adoucissent et deviennent plus souples, les contours s’estompent.
Profitant de l’ouverture du Salon en 1791, Adèle Romanée y exposa largement, dans un premier temps sous le qualificatif d’ « élève de Regnault ». De 1793 à 1808 elle apparut sous le nom de son mari, le miniaturiste François-Antoine Romany qu’elle avait épousé en 1790 pour s’en séparer trois ans plus tard. De 1809 à 1833 elle s’y présenta comme Adèle Romanée. Elle peignit surtout des portraits ; on connaît notamment ceux des artistes qu’elle figurait revêtus de leurs costumes favoris.
Adèle Romanée représente ici un frère et une sœur, Gustave et Taïs de Hautefort. Jean-Louis-Gustave, comte de Hautefort, était né en 1784 d’un père colonel attaché au régiment de Boulonnais. Il fut Officier supérieur des Gardes du corps du Roi – comme le père d’Adèle Romanée. Gustave, et sa jeune sœur Taïs, épousèrent le 28 mai 1805 un frère et une sœur, Adélaïde et Charles-Téodore-Bélisaire de Maillé de la Tour Landry.
Le tableau évoque l’affection qui liait le frère et la sœur. La main posée sur sa monture, le cavalier enveloppe la jeune femme d’un regard protecteur – cette dernière tourne vers nous une figure douce et pensive. Elle présente au cheval un bouquet vaporeux de fleurs sauvages. Adèle Romanée campe ses modèles dans un paysage qui prend à l’arrièreplan des teintes rougeoyantes ; un rameau de chêne et quelques fleurs construisent le tout premier plan.
On peut confronter notre œuvre à la Jeune femme tenant une cage à oiseaux surprise par un jeune homme (1814, coll. part.). Adèle Romanée y figure une jeune femme au regard absorbé, légèrement décentrée du paysage qui l’englobe. Le visage tourné vers elle, un jeune homme surgit de derrière un fourré.
L’atmosphère d’intimité familiale de notre tableau, empreint d’une grande douceur et d’élégance, rejoint également les portraits que fit Adèle Romanée de sa propre famille, tel le Portrait de la famille de l’artiste posant devant le château de Juilly (1804, vente Christie’s, 26 juin 2008, n° 76).