Francesco SALVIATI dit Cecchino (Florence, 1510 – Rome, 1563)

Portrait de jeune homme en buste au béret

Diamètre : 48,5 cm

Huile sur panneau (tondo)
Étiquettes anciennes au verso

Provenance :
• Constance Flower (1843-1931), née de Rothschild, baronne de Battersea, Londres
• Sa vente après-décès, Christie’s, Londres, 15 mars 1935, lot 48 (comme Sebastiano del Piombo)
• Galerie D. Katz, Dieren, vers 1936
• Galerie Gimbels, New York, 1945 (comme de Francesco Salviati)
• Collection de M...X... et à divers amateurs, Me Rheims ; Galerie Charpentier, Paris, 1er juin 1951, lot 17, comme Attribué à Francesco Salviati
• Où acquis par Julius H. Weitzner, New York City, 1957
• Asbjørn Lunde (1927-2017), Staten Island, NY
• Sa vente après décès, France, collection particulière

Bibliographie :
• Art News, 1er janvier 1945 (reproduit comme de Francesco Salviati)
• Den Ville Natur : Sveitsisk og Norsk romantikk, cat. exp., Tromsø, 2007, (reproduit p. 11, ill. 2)
• Catherine Monbeig Goguel, Francesco Salviati (1510-1563) ou la Bella Maniera, [cat. exp.], Rome, Villa Médicis / Paris, Musée du Louvre, 1998), Milan, Paris, 1998
• Catherine Monbeig Goguel, « Francesco Salviati et la Bella Maniera. Quelques points à revoir. Interprétation, chronologie, attributions », In Francesco Salviati et la Bella Maniera : actes des colloques de Rome et Paris, 1998. Rome : École Française de Rome, 2001. pp. 15-68. (Publications de l’École française de Rome, 284)
• Catherine Monbeig Goguel, Inventaire général des dessins italiens, I : Maîtres toscans nés après 1500, morts avant 1600, Vasari et son temps, Paris, 1972

Exposition :
• Eindhoven, Stedelijk van Abbe-museum, 16de en 17de Eeuwsche Hollandsche, Vlaamsche en Italiaansche Schilderijen uit de collectie fer Fa. D. Katz te Dieren, 1936-37, n° 94 (comme Francesco Salviati)

« […] aussi poète qu’il était peintre […] dans l’un et dans l’autre domaine, il exprimait ses vues et ses idées avec plus de sensibilité et de soin que quiconque. »

Fils d’un tisserand de velours florentin, Francesco de’Rossi fait preuve d’un don précoce dans le maniement du crayon. Il grandit aux côtés de son ami d’enfance, le fameux peintre et architecte Giorgio Vasari (1511-1574). Ensemble, ils étudient les dessins et les œuvres des maîtres de la génération précédente et comme beaucoup d’artistes florentins, le jeune artiste complète sa formation dans un atelier d’orfèvrerie. Lorsqu’il arrive à Rome en 1531, Francesco a 21 ans. Il choisit le pseudonyme de Salviati auprès de son premier protecteur, le cardinal Giovanni Salviati. Devenu membre à part entière de la maison de ce collectionneur érudit, le jeune peintre, surnommée creato, accède à une nouvelle notoriété. Le patronage de Salviati lui permet de rejoindre le cercle des gentiluomini et de nouer des liens avec de nombreux mécènes de la Ville Éternelle dont quelques éminents membres de la puissante famille Farnese. Désormais, Vasari le définit dans ses Vite comme un peintre virtuose et universel.

Salviati et Vasari illustrent fièrement aux côtés de Primatice et Bronzino la seconde génération du maniérisme dont l’apogée se situe entre 1540 et 1570. En effet, dès les années 1540, les commandes se multiplient : Salviati est désigné comme l’un des plus excellents peintres de Saintes Familles et loué pour ses réalisations de grands décors. En 1544, le duc Cosme Ier de Médicis appelle le peintre à Florence afin de décorer la salle d’audience du Palazzo Vecchio.

Admiratif de l’œuvre de Michel-Ange dont il tire l’élégance des figures et tente d’en perfectionner le style, Francesco Salviati illustre plus largement la quintessence de l’art italien du milieu du XVIe siècle : on parle de la Bella Maniera, la grâce et l’artifice comme aboutissement de toute activité artistique.
Au-delà de la peinture religieuse et du grand décor maniériste profane, Salviati s’attache à rendre cette maniera dans l’art du portrait. Arme politique et sociale de l’élite, le portrait peint est utilisé comme instrument de communication, célébrant la mémoire du commanditaire pour la postérité.
La mode de cette représentation est lancée lorsque les Médicis, riches marchands chassés de la ville de Florence à la fin du XVe siècle reviennent sur le devant de la scène politique. Salviati réalise par ailleurs le portrait de Jean de Médicis dit Giovanni delle Bande Nere (Jean des Bandes Noires).
Comme en témoigne notre portrait, les figures sont souvent représentées en buste ou à mi-corps, détachées de fonds austères unis, verts éclatants ou plus sombres. Progressivement Bronzino, Sarto (ill. 1), Salviati, Pontormo, devenus peintres de cour, reçoivent une reconnaissance particulière. Ils sont considérés comme des intellectuels reconnus et indispensables au développement du pouvoir.

La réalisation d’un portrait exige un long travail d’observation. Salviati étudie, croque sur le vif et multiplie les esquisses (ill. 2) afin de retranscrire fidèlement les marques physiques du pouvoir à travers l’intensité psychologique du regard et des costumes onéreux. Notre modèle est un gentilhomme en buste vêtu d’un pourpoint noir au col rabattu et coiffé à la dernière mode. À partir de 1515, les chevelures masculines se raccourcissent et parmi les modèles de chapeaux, celui du béret rond et plat en feutre porté ici est particulièrement en vogue.
Notre modèle paraît avoir été interrompu en pleine réflexion. La dureté froide du regard, dont les yeux sont légèrement enfoncés chez Salviati comme chez Bronzino, devient une caractéristique des portraits de cette décennie (1540-1550). L’attitude des modèles, d’une élégante raideur, traduit une certaine sérénité et une expression mélancolique (ill. 3).

Bien que de récentes découvertes ouvrent la voie à de nouvelles découvertes, l’œuvre peinte de Francesco Salviati demeure rare. Elle fut pourtant extrêmement variée : esquisses, projets de tapisserie, illustration d’ouvrages, fresques, figures allégoriques, religieuses et enfin de nobles portraits dont l’exemple que nous vous présentons en est un spectaculaire exemple. Dans une quête de protecteurs hauts placés, Salviati trouve sa voie dans la société élitiste des cours princières et épiscopales. Il traversera Florence puis Rome, Venise, effectuera un court séjour en France en 1556-1557 au service de Charles de Guise, cardinal de Lorraine et de nouveau à Rome avant de s’y fixer définitivement jusqu’à sa mort en 1563.

M.O

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