39,3 x 26,8 cm
1885.
Huile sur toile.
Signé et daté en bas à droite et au revers.
Dédicacé sur un carton marouflé sur le châssis : A mon ami Brun
« Ma nature me poussait à exprimer surtout la vie profonde des hommes et des choses, plutôt que de donner à l’œil une grande fête de couleur, écrivait Jules Adler au terme de sa vie. Dès ma sortie de l’atelier, je fus attiré par des spectacles de vie ardente, active et parfois douloureuse (…). Une grande partie de ma carrière s’est donc passée à décrire la foule humaine et anonyme de la grand’route et des faubourgs. » Le qualificatif de « peintre des humbles » fut souvent retenu pour résumer l’œuvre d’Adler, trop hâtivement peut-être : la qualité de son travail ne se limita pas à un engagement humaniste ou politique ; pêcheurs, ouvriers et artistes, membres de sa famille ou couple badinant à Paris sont autant de facettes d’un travail qui sut « recréer cette vie intérieure, cet émouvant reflet des âmes qui transparaissent dans les masques et les poses », selon les mots de son biographe Barbedette.
Fils de modestes marchands d’étoffes, Jules Adler s’était montré très tôt passionné par le dessin. Ce jeune homme espiègle et exubérant quitta sa Franche-Comté natale à l’âge de 17 ans pour intégrer à Paris les Arts Décoratifs. Peu après, il rejoignit l’Académie Julian, où il étudia dans l’atelier de Bouguereau et Tony Robert-Fleury. Ce dernier l’encouragea dans son travail ; en 1884, Adler fut admis à l’École des Beaux-arts, qu’il ne fréquenta qu’épisodiquement.
À l’Académie Julian, Jules Adler créa des liens fondateurs pour sa vie artistique. Il côtoya Paul Chabas, Ker Xavier Roussel ou Édouard Vuillard. Dans ce climat d’émulation fécond, le travail en atelier fut complété par des voyages d’études avec ses camarades. Ainsi, en 1887, Adler se rendit à Crozant, dans la Creuse, foyer artistique rendu célèbre par Armand Guillaumin. Le peintre Eugène Alluaud relate ce séjour dans ses écrits : « Je vins pour la première fois à Crozant en 1887 avec les peintres Jules Adler et Clément Brun, élèves avec moi à l’Académie Julian dans l’atelier Bouguereau et Robert Fleury ». Peut-être est-ce à l’occasion de l’un de ces voyages qu’Adler réalisa ce portrait de son camarade Clément Hyacinthe Brun (1868-1920), peintre provençal qui étudia quelques temps à l’Académie Julian, après s’être formé aux Beaux-arts d’Avignon, et avant de rentrer dans la Cité des Papes où il fonda le « Groupe des Treize ».
Dans la chaleur colorée d’un jour d’été, Clément Brun a posé son chevalet au beau milieu d’un pré. À l’arrière-plan, pour seul décor, quelques arbres et un coin de maison. Les ombres courtes situent la scène au milieu du jour. Vêtu d’une marinière que couvre un costume clair, la tête coiffée d’un chapeau de paille, Brun peint, la palette dans la main gauche, sur une longue toile rectangulaire. Le visage du jeune homme, penché sur son ouvrage, n’est pas détaillé : ce n’est pas la ressemblance physionomique qui intéresse ici l’artiste.
Adler a choisi une gamme chromatique lumineuse, faite de nuances de verts amande et d’ocre, en tons superposés ponctués de bleu ciel, que seules relèvent quelques touches de rouge sur le chapeau, la palette et les chaussures de son ami. La touche franche, en pleine pâte, atteste d’un travail sur le motif qui ne s’embarrasse pas de détails, mais privilégie une libre expressivité non dénuée de poésie.
On connaît un autre portrait exécuté par Adler d’un compagnon d’Académie, le Portrait du peintre américain Louis Paul Dessar (1867-1952) (1888, huile sur toile, 45,5 x 38 cm, vente Bremens, Lyon, 9 décembre 2008, lot 11), qui le représente en buste. Ces œuvres ont la fraîcheur d’un travail de jeunesse, mais aussi la beauté d’un talent déjà éclot, alliant à la sûreté de la main la sensibilité d’un grand peintre.
Bibliographie générale (œuvre inédite)
Jules Adler (1865 – 1952), catalogue d’exposition, Remiremont, Musée Charles de Bruyères, 1979.
Lucien BARBEDETTE, Le peintre Jules Adler, Besançon, Séquania, 1938.