Claude DERUET (Nancy, 1588 – 1660)

Portrait équestre de Louis XIII en cuirasse portant l’ordre de Saint-Louis et tenant le bâton de commandement

37 x 28,6 cm

Huile sur marbre bleu Turquin

Cadre en bois doré d’époque Louis XIII

Provenance :
• France, collection particulière.

Bibliographie :
• François-Georges Pariset, « Claude Deruet » in Gazette des beaux-arts, Paris, 1952
• Edouard Meaume, Recherches sur la vie et les ouvrages de Claude Deruet : peintre et graveur lorrain (1588-1660), A. Lepage, Nancy, 1853

Considéré comme l’un des meilleurs pinceaux qu’ait produits la Lorraine au XVIIe siècle, le nom de Claude Déruet tombe pourtant injustement dans l’oubli durant plus de deux siècles avant d’être remis à l’honneur au cours du XIXe siècle, principalement grâce aux écrits d’Edouard Meaume. Fils d’un horloger des ducs de Lorraine, le jeune Déruet reçoit une formation à Nancy auprès du fameux Jacques Bellange (1575-1616), peintre, dessinateur et graveur officiel à la cour de Charles III de Lorraine, puis auprès d’un artiste champenois nommé Claude Henriet (1539-1604) avant de visiter l’Italie. À Rome, il étudie sous l’égide du célèbre Giuseppe Cesari dit il Cavaliere d’Arpino (1568-1640) et entame une carrière de graveur, puis il passe bientôt autant de temps à la pointe qu’au pinceau. De son retour d’Italie en 1620 jusqu’à sa mort en 1660, son activité fut aussi variée que considérable.

En Italie, Déruet fait la rencontre d’Antonio Tempesta (1555-1630), artiste romain influent durant les trente premières années du XVIIe siècle, qui marquera largement son travail. Tempesta s’inspire de l’art de la Renaissance italienne et de l’art de cour durant le XVIe siècle que Déruet réinterprète à sa manière, notamment dans les poses et torsions complexes des figures héritées du maniérisme qui conduiront certains spécialistes à classer Déruet comme « maniériste tardif ».

Dans cette œuvre vraisemblablement réalisée autour de l’année 1640, Claude Déruet dépeint le roi Louis XIII quelques années avant son décès prématuré à l’âge de 41 ans. Le réalisme avec lequel l’artiste traite le visage du monarque au regard vif et pénétrant permet de rendre les détails physiques connus dont le creusement des joues et le menton marqué. Le roi est représenté en tenue militaire, tenant d’une main ferme le bâton de commandement. Il porte la cuirasse ornée de l’écharpe du Saint-Esprit sur laquelle apparaît l’écharpe blanche volant au vent, marque du pouvoir royal en France. Il est chaussé de bottes de chevreau au rabat de cuir beige doublé de soie rouge apposé sur le dessus du pied permettant de ne pas user le cuir par le frottement des étriers, que l’on retrouve dans quelques illustres autres portraits du monarque tel que celui réalisé par Philippe de Champaigne vers 1639.

C’est probablement l’influence de Tempesta qui conduisit l’artiste à travailler sur différents supports tels que les pierres dures. Dans cette image héroïque, Déruet choisit un marbre gris laissé en réserve permettant d’apprécier la qualité esthétique de la pierre soigneusement sélectionnée pour ses veines apparentes prenant ici l’apparence de lourds nuages d’un ciel orageux dompté par le fier monarque.

Dans les nombreuses scènes de batailles peintes par Tempesta, Déruet examine l’attention particulière dédiée à la représentation des chevaux et travaille alors d’après quelques modèles du maître. Il traita d’ailleurs quelques groupes équestres par série dont une suite de princes lorrains, aujourd’hui conservés dans une collection particulière lorraine. Dans notre portrait, le monarque est tourné vers le spectateur et comme dans la plupart de ses portraits équestres, le cheval caracolant est représenté de profil. L’exquise représentation de l’animal évoque les leçons de Tempesta. L’artiste présente le roi maîtrisant sans effort sa puissante monture plus belle que nature par la force de la parure : la selle et la bride faites de cuir rouge et rehaussées d’or brodé font écho à la cuirasse finement travaillée, apportant le raffinement et la richesse exigés par le sujet.

L’intérêt de Déruet pour les artistes flamands qu’il côtoie entre Rome et Paris est sensible dans la plupart de ses œuvres de dimensions restreintes dans lesquelles il travaille avec une finesse d’exécution nordique. La rigueur du dessin de cette composition volontairement géométrisée accentue les lignes et renforce l’impression de grandiose recherchée pour cette œuvre royale.

Contrairement à la version sur toile représentant le monarque sur sa monture, l’artiste s’attache à rendre l’œuvre précieuse. Le coloris harmonieux est rendu en transparence sur le marbre par des tons francs : le noir de la cuirasse est habilement contrebalancé par la selle rouge. Tout comme dans ses tableaux religieux, Déruet utilise des touches plates traduisant la figure tout en simplicité et en souplesse.

Après un séjour italien déterminant, Claude Déruet devint un artiste très apprécié de la cour, protégé, comme Georges de La Tour (1593-1652) par le maréchal de La Ferté, gouverneur de Nancy. Peintre prolifique et polyvalent, Déruet répond avec beaucoup de rigueur aux différentes commandes qu’elles soient religieuses, allégoriques ou royales. Son style varie selon le format et le support qu’il maîtrise systématiquement : en passant d’une toile à un cuivre ou un marbre, la paternité de ses œuvres fut souvent confondue avec nombreux de ses contemporains. Collectionnée de son vivant, une grande partie de son œuvre est aujourd’hui toujours détenue en collection particulière.

M.O.

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